Le capitalisme mondial et la lutte des classes

L’ordre impérialiste mondial: misère pour profit

Ce texte, qui est une traduction d’un article paru en 1917, no 23, édition anglaise, s’occupe des questions clés pour les manifestations anti-mondialisation et le mouvement ouvrier internationale.


La vague récente de protestation internationale contre les institutions du capitalisme mondial est la manifestation d’un mécontentement croissant contre l’opération de l’ordre impérialiste parmi de larges couches de la population mondiale. Malgré ses expressions politiques confuses, mutuellement contradictoires et quelquefois ouvertement réactionnaires, ces protestations signalent la fin d’une décennie de triomphalisme capitaliste qui a suivi la chute du mur de Berlin. A la manifestation de Prague du 26 septembre 2000 nos camarades ont porté des pancartes (en tchèque, allemand et anglais) réclamant: « A bas le FMI/la Banque mondiale! » « Ni libre-échange ni protectionnisme », et « La révolution prolétarienne pour écraser le capitalisme international! »

Il y a quelque chose de profondément malsain avec un monde dans lequel le revenu de trois milliards de gens aux rangs les plus bas est moins que le revenu des 500 au sommet. Le Rapport annuel de l’an 2000 de la Banque mondiale admet que la moitié de l’humanité subsiste avec moins que deux dollars par jour tout en affirmant cyniquement que la ligne de démarcation de la « pauvreté » mondiale se fixe à un dollar par jour.

Le Monde Diplomatique de novembre 1998 a rapporté: « Trente millions de personnes meurent de faim chaque année. Et 800 millions souffrent de malnutrition chronique ». L’auteur, Ignacio Ramonet, demande:

« Cette situation est-elle fatale? Absolument pas. Selon les Nations unies, pour donner à toute la population du globe l’accès aux besoins de base (nourriture, eau potable, éducation, santé), il suffirait de prélever, sur les 225 plus grosses fortunes du monde, moins de 4% de la richesse cumulée ».

L’inégalité obscène est un trait fondamental et immuable du capitalisme. Sous un système de « libre marché, » les priorités sociales sont toujours arrangées pour le bénéfice de la minorité privilégiée aux dépens de la majorité. Ce n’est pas accidentel, et ce n’est pas quelque chose que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), le G8 ou tout autre représentant du capitalisme mondial puissent changer, même s’ils veulent.

Le FMI lutte-t-il « contre » la pauvreté?

Pour des fins de relations publiques, la Banque mondiale et le FMI parlent dès maintenant de rendre l’éradication de la pauvreté leur priorité la plus importante. Lors d’une conférence de presse sur « Le rôle du FMI dans la réduction de la pauvreté », tenue à la veille des manifestations à Prague en septembre dernier, Masood Ahmed, porte-parole du FMI a observé:

« Il y avait, je pense, un consensus au cours des dernières années autour du défi central de la réduction de la pauvreté comme étant la question la plus importante qui confrontele monde aujourd’hui ». [notre traduction]

Les plans du FMI pour « combattre » la pauvreté ont été soumis dans un « Rapport sur la pauvreté mondiale » au sommet du G8 à Okinawa en juillet 2000. Le rapport, signé par la Banque mondiale et quatre autres banques de développement, a loué ses politiques antérieures pour «combattre la pauvreté »:

« Quelques-unes des mesures politiques adoptées incluent la stabilisation de la structure macro-économique, la libéralisation des prix (surtout de prix agricoles) et du commerce, la privatisation et la promotion d’une gestion efficace du secteur public, y compris les mesures contre la corruption ». [notre traduction]

C’est tout simplement une description du programme standard d’ « ajustement structurel » du FMI qui augmente normalement le niveau de la pauvreté de même que la marge de domination impérialiste dans les néo-colonies où il est appliqué. Le plus souvent sa mise en oeuvre résulte dans une réduction des services sociaux par la voie de privatisation des soins de santé, de l’éducation, d’hydro et du transport. Ces mesures sont conçues principalement pour créer l’occasion avantageuse pour l’investissement du capital étranger et ses partenaires locaux, tout en réduisant la sphère de l’État national. Des centaines de millions de travailleurs au Mexique, le Brésil, la Corée du Sud, la Thaïlande, etc., ayant subi directement les efforts du FMI pour « stabiliser la structure macro-économique » n’ont plus aucune illusion dans son « programme pour combattre la pauvreté ».

La « libéralisation des prix et du commerce » veut dire des moyens pour se débarrasser des tarifs et des subventions pour les fabricants domestiques, les obligeant ainsi à rivaliser directement avec les grands monopoles internationaux. Le résultat est la faillite de beaucoup de petites et moyennes entreprises dans les pays néo-coloniaux, augmentant ainsi le chômage et baissant les salaires.

Les avances techniques de la « révolution verte » ont rendu avantageux pour les multinationales agricoles ou leurs substituts de forcer le départ des paysans hors de leurs terres traditionnelles, les rendant ainsi utilisables pour la production agricole à l’exportation. Par conséquent beaucoup de pays « sous-développés » ont connu une expansion massive de la production agricole, avec un déclin dramatique simultanément dans la consommation de nourriture par habitant lorsque des millions d’anciens paysans ont été poussés hors de leurs terres pour vivre dans les bidonvilles infectés de maladie qui entourent les villes du « Tiers-Monde ».

Cette croissance d’inégalité sociale est un problème qui ne peut être « réglé » dans le cadre de l’ordre social existant. Tout comme ses plans de « développement » antérieurs, la « politique pour combattre la pauvreté » du FMI accélérera l’appauvrissement des pauvres au bénéfice du capital financier de la métropole impériale. Ce n’est ni accidentel ni par simple oubli. Il est tout à fait délibéré et entièrement rationnel dans la logique du système capitaliste. Les priorités sociales demeurent toujours en faveur de ceux au sommet aux dépens de tout le reste sous le « libre marché ».

« La protestation a-t-elle besoin d’une vision? »

Le dénommé « mouvement anti-mondialisation » ne peut être vraiment considéré comme un mouvement parce qu’il est extrêmement politiquement hétérogène:

« C’est quoi l’opposé de la mondialisation ? Le socialisme? L’isolationnisme ? Le végétarisme? La réponse est tous les trois et encore plus. La tenue radicale chic de la saison est un manteau de beaucoup de couleurs ».
Time, le 24 avril 2000 [notre traduction]

Quelques-uns font de ceci une vertu. La journaliste radicale chic Naomi Klein, candidate retenue des médias capitalistes comme porte-parole officiel de l’ « anti-mondialisation » de la jeunesse, affirme:

« La nature décentralisée de ces campagnes [anti-corporatives] n’est pas une source d’incohérence et de fragmentation mais une adaptation raisonnable, même ingénieuse à des changements dans la culture plus générale…. Une fois impliquée, personne ne doit abandonner son individualité à la structure plus grande ; comme avec toute chose on-line, nous sommes libres de rentrer et de sortir à volonté, de prendre ce que nous voulons et d’effacer ce qui nous ne voulons pas. C’est l’approche d’activisme d’un surfeur Internet, reflétant la culture paradoxale de l’Internet associant un narcissisme extrême au désir intense pour des rapports externes ».
—« Does Protest Need A Vision? » New Statesman, le 3 juillet 2000 [notre traduction]

Les individualistes, les narcissiques et tous les autres qui veulent « rentrer et sortir à volonté » sont d’une moindre importance aux dirigeants du système capitaliste mondial. Toute personne sérieuse doit cependant faire quelques choix fondamentaux. L’objectif doit-il être de gagner un « siège à la table » pour négocier les règles de base pour tous ceux qui dirigent l’économie impérialiste mondiale ? Les traits indésirables d’une économie dirigée par le profit peuvent-ils être éliminés, ou est-il nécessaire de renverser la domination du capital lui-même ? Ces questions exigent une réponse.

L’histoire de la « mondialisation »

Les libéraux, les sociaux-démocrates et les nationalistes ont tendance à envisager la « mondialisation de la production » comme un nouveau développement sinistre par lequel les firmes capitalistes locales, censées être plus amiables et disposées au civisme, sont englouties par les firmes transnationales sans coeur. Mais le capitalisme a toujours été un système impitoyable « globalisant ». L’arrivée des européens en les Amériques en 1492 a introduit une orgie de génocide et de pillage qui, de pair avec le développement de la traite des esclaves, a fourni l’« accumulation primitive » originale aux pionniers du capitalisme. Il y a 130 années, Karl Marx a identifié les traits essentiels de la « mondialisation » dans sa description du développement capitaliste:

« Cette expropriation s’accomplit par le jeu des lois immanentes de la production capitaliste, lesquelles aboutissent à la concentration des capitaux. Corrélativement à cette centralisation, à l’expropriation du grand nombre des capitalistes par le petit, se développent sur une échelle toujours croissante l’application de la science à la technique, l’exploitation de la terre avec méthode et ensemble, la transformation de l’outil en instruments puissants seulement par l’usage commun, partant l’économie des moyens de production, l’entrelacement de tous les peuples dans le réseau du marché universel, d’où le caractère international imprimé au régime capitaliste ».
Le Capital (Livre 1), 1969, Garnier-Flammarion, Paris

Il y a un siècle, la vaste majorité de l’humanité a été impliquée, dans un sens ou dans un autre, dans la production marchande. L’empire britannique, autrefois le pouvoir économique et militaire dominant au monde, a aussi poursuivi une politique de « libre-échange ». La concurrence produite pour les marchés étrangers et les colonies par le « libre-échange » sous l’Union Jack a mené directement à la Première guerre mondiale. Beaucoup d’économistes bourgeois considèrent cependant cette période comme étant l’âge d’or du « libre marché ».

Alan Greenspan, le président de la Réserve fédérale aux États-Unis, a observé dans un discours récent dénonçant les manifestations contre la « mondialisation »:

« Le progrès réalisé depuis la Deuxième guerre mondiale dans l’abaissement des barrières commerciales entre les nations représente en effet un effort par ces pays de revenir aux frontières ouvertes qui existaient au début du 20ième siècle ».
—Globe and Mail (Toronto), le 15 novembre 2000 [notre traduction]

Greenspan croit qu’un ralentissement dans l’économie mondiale pourrait produire une réapparition du protectionnisme : « Clairement, le risque est que le soutien aux restrictions au commerce n’est pas mort, mais seulement endormi ». Pendant la période entre les guerres c’est exactement ce qui est passé. Le « libre-échange » a été abandonné lorsque chaque pouvoir impérialiste a tenté simultanément de frayer son propre chemin dans les marchés étrangers, tout en abritant ses propres industries nationales derrière les murs tarifaires. Ceci a eu comme résultat la Grande Dépression des années 30 et la Deuxième guerre mondiale.

Octobre 1917: une révolution prolétarienne contre le capitalisme global

La Révolution d’octobre 1917 a présenté au capitalisme international son défi le plus sérieux jamais affronté. L’expropriation réussie des capitalistes russes (et leurs partenaires internationaux) et l’organisation d’une forme d’État entièrement nouvelle—un État ouvrier—ont jeté l’étincelle d’une vague puissante de révoltes ayant secoué les fondements de l’ordre bourgeois. La direction bolchévique des ouvriers russes, dirigée par Vladimir Lénine et Léon Trotsky, considérait la création de l’Union soviétique tout simplement comme le premier pas dans une révolution sociale globale. En 1919 ils ont fondé l’Internationale communiste qui entreprit comme sa tâche l’organisation d’un réseau discipliné de partis socialistes révolutionnaires partout sur la planète. L’Internationale communiste a déclaré la guerre à l’ensemble du système capitaliste du vol et du pillage, et a fait cause commune avec les ouvriers et les opprimés partout. Dans un discours au deuxième Congrès de l’Internationale communiste, Lénine déclarait:

« L’impérialisme mondial tombera quand l’attaque révolutionnaire des ouvriers exploités et opprimés dans chaque pays, vainquant la résistance d’éléments petits-bourgeois et l’influence de la petite couche supérieure d’aristocrates ouvriers, se mêle avec l’attaque révolutionnaire de centaines de millions de gens qui sont restés jusqu’ici au-delà du pâle d’histoire, et ont été regardés simplement comme l’objet d’histoire ».
—Rapport sur la situation internationale et les tâches fondamentales de l’Internationale communiste, le 19 juillet 1920 [notre traduction]

Le capital international était intensément sensible à la menace posée par le bolchévisme. Dans une tentative échouée d’aider les contre-révolutionnaires russes à étrangler la République soviétique dans son enfance, quatorze pays capitalistes avaient envoyé immédiatement des troupes. Malgré la dégénérescence bureaucratique subséquente de la révolution sous Staline, les premières années de la révolution demeure un phare pour tous ceux qui cherchent à lutter pour un monde sans l’exploitation, le racisme, la pauvreté ou l’oppression—tout simplement, un monde sans le capitalisme.

L’hégémonie économique et militaire incontestée des États-Unis après la Deuxième guerre mondiale leur a permis de réorganiser le monde selon les exigences du « siècle américain ». Le FMI et la Banque mondiale (avec l’OTAN, l’ONU et plusieurs autres organismes) étaient tous établis comme institutions à dominance américaine. Le pouvoir américain a cependant été contraint par l’existence de l’Union soviétique, qui fournissait un contrepoids militaire et économique global à l’impérialisme. L’existence de ce monde « communiste » a contraint les élites souveraines de l’Europe de l’ouest, du Japon et de l’Amérique du Nord de détourner une portion du surplus social pour l’éducation, la santé, les pensions, les bénéfices et autres services sociaux. Cette contrainte les a forcés aussi de faire quelques concessions diplomatiques et économiques occasionnelles aux États néo-coloniaux « non-alignés ».

Les fruits de la contre-révolution

La destruction de l’Union soviétique représente un recul historique immense pour les travailleurs partout sur la planète. La victoire capitaliste dans la guerre froide se traduit par les attaques contre beaucoup de gains sociaux réalisés par les générations antérieures. Pour les gens ordinaires dans l’ancien bloc soviétique, la restauration capitaliste est une catastrophe. Selon une publication de la Banque mondiale, entre 1988 et 1993, les revenus ont décliné de 25 pour cent en Europe de l’est, et de 54 pour cent dans les régions slaves et les régions d’Asie centrale de l’ancienne Union soviétique (Branko Milanovic, Revenu, inégalité, et pauvreté pendant la transition d’une économie planifiée à une économie de marché). Dans un discours du 6 novembre 2000 à Vienne, Horst Köhler, directeur régional du FMI, a exprimé sa « fierté » et son « admiration » pour les forces de la restauration capitaliste, mais il a admis que : « le nombre de personnes qui vit avec moins que 2$ par jour avait augmenté cinq fois depuis le début de la transition (de 16 millions en 1987 à 93 millions en 1998) ». [notre traduction]

Le triomphe de la contre-révolution en URSS a aiguisé la concurrence entre les blocs impérialistes majeurs. Chacun revendique le libre-échange dans sa propre sphère d’influence, mais garde jalousement son territoire des autres. Un exemple récent est le désaccord entre les États-Unis et l’Union européenne (UE) sur les règles gouvernant les importations de la banane. Les États-Unis ont menacé d’introduire des surcharges de 100 pour cent sur les importations de l’Union européenne dû à la politique de ce dernier de permettre l’accès préférentiel à un petit pourcentage du marché de la banane européenne aux producteurs de la banane des anciennes colonies hollandaises, britanniques et françaises des Caraïbes. Les États-Unis affirment que cette politique est « injuste » à l’égard des producteurs sud-américains de la banane (dont les produits sont largement vendus au détail par les compagnies américaines y compris Chiquita, Del Monte et Dole Foods).

Le nouvel ordre mondial post-soviétique est aussi caractérisé par les attaques brutales contre la population civile des « États hors contrôle » tels l’Irak et la Yougoslavie, dont les dirigeants ont offensé leurs parrains impériaux. Tout comme le « respect de la loi internationale » est ignoré chaque fois qu’il paraît incommode, toute simulacre d’engagement au « libre-échange » et à l’ « égalité du terrain de jeu » est naturellement ignorée pour tout producteur néo-colonial considéré capable d’offrir une concurrence sérieuse. Un « rapport sommaire » produit par Oxfam International pour la réunion à Prague du FMI/la Banque mondiale intitulé « Le multilatéralisme et le commerce mondial ou comment arranger les règles contre les pauvres » indique:

« Les politiciens du monde industrialisé prêchent la doctrine de libre-échange, et ils utilisent leur contrôle sur le FMI et la Banque mondiale afin de l’imposer aux pays en voie de développement, mais ils pratiquent le protectionnisme. Et dans beaucoup de régions ils utilisent l’OMC [organisation mondiale du commerce] comme un bélier afin d’ouvrir les marchés du Tiers-Monde aux intérêts des puissantes compagnies transnationales dictant leur politique du commerce.

« Beaucoup a été dit par les créanciers à propos de leur générosité à la fois au financement et au soulagement de la dette… et en fournissant une assistance au développement. Cependant, lorsque mesurée contre les pertes plus larges associées au protectionnisme, cette générosité est plus apparente que réelle. Pour chaque dollar fourni à travers l’aide et au soulagement de la dette, les pays en voie de développement perdent un autre 14$ comme conséquence des barrières protectionnistes dans les pays riches. Ces barrières privent les pays pauvres de 700$ milliards par année dans les marchés pour les marchandises travail intensives, et un autre 65$ milliards dans les marchés agricoles ». [notre traduction]

La « mondialisation » et la lutte des classes

Pendant les dernières décennies, les corporations majeures du monde ont fait un progrès considérable dans l’intégration internationale de la manufacture à travers les nouvelles technologies industrielles, des améliorations dans le transport et, plus particulièrement, dans les communications et la technologie d’information. Ces mêmes facteurs ont aussi rendu plus facile le transfert de la production des centres métropolitains aux régions aux salaires plus bas. Ce processus, poussé par une soif de plus grands profits, a détruit les vies de millions de travailleurs, particulièrement dans les vieilles régions industrielles des centres impérialistes.

Mais les problèmes blâmés communément sur la « mondialisation » ne sont pas un sous-produit inévitable de l’intégration économique internationale ou les nouvelles technologies. L’appauvrissement et la dislocation sociale qui les accompagnent sont les résultats directs de la tentative de maximiser le profit. Une économie socialiste servirait des avances dans la production pour éliminer le chômage, la pauvreté et l’inégalité.

Les effets de la « mondialisation » sur les conditions du travail sont souvent exagérés. Les réaménagements d’usines et l’approvisionnement externe de la sous-production sont estimés compter pour moins d’un quart dans le déclin des salaires réels aux États-Unis entre 1974 et 1994. La majorité des travailleurs en Amérique du Nord est employée dans des secteurs tels que l’éducation, le secteur public et la finance qui ont largement été immunisés aux effets de la concurrence internationale.

La raison clé pour le déclin des salaires réels en Amérique en ce temps-là était la série de victoires capitalistes dans la guerre de classes pendant les dernières décennies. Ce contretemps a débuté avec le licenciement des contrôleurs aériens de PATCO par Ronald Reagan en 1981 et a continué par les ravages de bien-être et autres bénéfices sociaux au nom d’un « budget équilibré.» Rien n’était inévitable. Tout ceci peut être imputé à la lâcheté et à la traîtrise de la direction syndicale.

Peu disposés ou incapables d’initier les batailles de classes dures nécessaires pour protéger leur base, les chefs officiels du mouvement ouvrier ont eu recours partout dans le « monde développé » au patriotisme et au protectionnisme. Le résultat a été un mouvement ouvrier divisé et affaibli et la croissance d’un nationalisme empoisonné et des mouvements d’extrême droite tel que le Front national de Jean Marie Le Pen en France.

La plupart des jeunes participants dans la vague récente de protestations internationales sont opposés aux injustices de l’économie capitaliste mondiale. Mais les remèdes offerts par les « anti-mondialistes » proéminents reviennent à des modifications cosmétiques qui laissent le problème fondamental intact un système économique dirigé par la soif du profit. C’est dû au fait que les bureaucrates syndicaux et les chefs professionnels de plusieurs organisations non-gouvernementales (ONG), écologiques, religieuses et bienfaisantes, fournissant la structure organisationnelle pour la plupart des manifestations récentes, opèrent dans la structure de ce qui est faisable sous le capitalisme. Leur objectif ultime est de faire pression sur le FMI, les monopoles capitalistes et les gouvernements impérialistes pour qu’ils se comportent de façon plus humaine.

L’État-nation « impuissant »

Un des thèmes poussés par les critiques libérales de la « mondialisation » est que les États nationaux sont devenus impuissants, car le pouvoir est passé aux corporations multinationales et aux bureaucraties internationales tel que l’OMC hors du contrôle du gouvernement national. En fait chaque corporation dépend du poids politique et militaire de son propre État national pour sauvegarder ses valeurs à l’étranger. Loin de rétrécir, le rôle de l’État national dans la protection de la propriété et la défense des accords légaux a été étendu, de pair avec l’intégration internationale de l’économie mondiale. A l’intérieur de l’OMC chaque gouvernement manoeuvre en essayant d’introduire les règles de commerce international au bénéfice de ses propres capitalistes. L’OMC, le FMI et la Banque mondiale se placent au-dessous, plutôt qu’au-dessus, les forces impérialistes majeures qui seules possèdent la puissance armée capable de les soumettre à leur volonté.

État américain, par exemple, ne montre aucun signe de flétrir en ce moment. L’armée américaine financée si généreusement (un fait qui s’est démontré si bénéfique aux monopoles pétroliers lors de la guerre du Golfe en 1991) a un budget annuel de 275$ milliards. Bien qu’elle implore la pauvreté comme excuse pour attaquer les programmes sociaux, la classe dominante américaine a énormément étendu la capacité de son appareil répressif: mettant plus de policiers sur la rue; agrandissant les unités policières paramilitaires; et en augmentant la surveillance par vidéo et l’écoute électronique. Il y a eu une expansion énorme du système carcéral (maintenant de plus en plus géré sur une base « pour profit »). La population des prisons aux États-Unis, toujours de nature disproportionnée largement noir et hispanique, a dépassé récemment deux millions de personnes. Elle grandit sept fois plus vite que la population générale.

La réponse massive coordonnée des forces policières aux protestations internationales contre l’OMC, le FMI, etc., ne prête aucune créance aux théories de la « disparition » de l’Etat. Les manifestants sont arrêtés de façon « précoce » maintenant, lorsque diverses agences policières nationales combinent leurs efforts pour écraser la contestation. Avant les manifestations à Prague, le FBI américain a reparti des douzaines d’agents pour aider la police tchèque avec ses préparations. Des centaines de personnes soupçonnées d’avoir participé aux manifestations antérieures ont été arrêtées à la frontière.

L’anarchisme et le socialisme

Beaucoup de manifestants les plus militants s’identifient comme anarchistes. Leurs vues couvrent un spectre politique considérable. Certains revendiquent un retour à un passé mythique où tout le monde était petit propriétaire dans une économie villageoise autosuffisante. Les anarchistes de gauche, ou « anarcho-communistes », revendiquent le renversement révolutionnaire de l’ordre capitaliste, et la création d’une société égalitaire sur la base de la socialisation des moyens de production.

Les anarcho-communistes et les marxistes reconnaissent tous les deux que la révolution prolétarienne doit détruire la machine de l’Etat bourgeois (c’est-à-dire, dissoudre les corps policiers, le corps d’officiers, la magistrature et le reste de l’appareil répressif). Mais tandis que les marxistes proposent que les travailleurs remplacent les organes du pouvoir capitaliste par leur propre appareil d’État, les anarchistes, qui s’opposent à toute et à chaque forme d’État en principe, sont vagues sur comment exactement un mouvement révolutionnaire victorieux doit exercer son pouvoir.

L’histoire de chaque révolte contre le pouvoir capitaliste démontre que les exploiteurs ne s’arrêteront(reculeront) devant rien afin de garder leur pouvoir. Dans les années 80 Ronald Reagan a armé et payé les mercenaires ‘contras’ au Nicaragua; Hitler et Mussolini ont soutenu les légions de Franco en Espagne dans les années 30; les impérialistes ont soutenu les blancs contre les rouges dans les premières années de la Révolution russe. La classe ouvrière et les opprimés doivent posséder l’organisation politique et militaire nécessaire pour écraser la contre-révolution s’ils veulent exproprier avec succès les exploiteurs et reconstruire la société sur une base égalitaire. Comme Frédéric Engels a remarqué, une révolution est un « acte par lequel une partie de la population impose sa volonté sur l’autre partie au moyen de fusils, de baïonnettes et de canons par les moyens autoritaires »

La stratégie révolutionnaire et les luttes de la classe ouvrière

Le problème de comment effectuer le changement révolutionnaire est d’une importance critique pour ceux qui sont sérieux dans leur défi au règne global du capital. Beaucoup de militants anarchistes subjectivement révolutionnaires, outragés par le système global de piraterie, dirigent leur colère dans les escarmouches avec les policiers. Il est nécessaire d’organiser une légitime défense efficace contre la violence policière lors des manifestations, mais la destruction de quelques restaurants Starbucks ou McDonald’s est une diversion qui ne pose aucune menace sérieuse au capitalisme.

La seule couche de la population qui possède à la fois un intérêt objectif et le pouvoir social pour renverser la domination capitaliste est la classe ouvrière. Ceux qui produisent les marchandises, opèrent les systèmes de transport et de communication, et fournissent tous les services secondaires dont dépend le capital, peuvent faire fonctionner la société sans maîtres.

Beaucoup de jeunes militants de gauche voient aujourd’hui les syndicats comme gênants, bureaucratisés et conservateurs. Les syndicats sont cependant aussi les organisations potentielles de lutte de classe militante. L’aristocratie ouvrière privilégiée, qui dirige le mouvement ouvrier dans chaque pays impérialiste aujourd’hui, est fondamentalement loyale au capitalisme. Dans beaucoup de cas elle est activement impliquée dans l’empoisonnement de ses rangs par le nationalisme bourgeois, sinon le racisme ouvert. Dans le « monde développé », ces « lieutenants ouvriers du capital » ont fourni un soutien vital au pouvoir de la bourgeoisie pendant plus d’un siècle.

Mais les luttes ouvrières débordent périodiquement le contrôle des bureaucrates même dans les centres impérialistes et, en ces moments, il est possible d’obtenir une vision momentanée d’un futur très différent pour l’humanité. La tâche stratégique centrale dans les pays impérialistes est la construction d’une direction révolutionnaire alternative enracinée dans la base et engagée à un programme de lutte de classe sans compromis. Une telle direction lutterait pour évincer les bureaucrates procapitalistes du mouvement ouvrier et pour transformer les syndicats en instruments efficaces pour mener la guerre de classe contre les patrons.

Les jeunes militants qui détestent l’impérialisme, mais qui tournent le dos aux organisations ouvrières, aident à assurer par inadvertance que la domination politique continue des faux dirigeants procapitalistes. Les militants ouvriers qui revendiquent aujourd’hui simplement la « responsabilité patronale » ou le « commerce équitable », peuvent arriver demain à se rendre compte que rien d’essentiel ne peut être changé à moins que l’impérialisme soit cassé. Mais de telles transformations dans la conscience politique exigent l’intervention politique des révolutionnaires pour combattre les illusions protectionnistes et sociales-démocrates poussées par les bureaucrates syndicaux.

Le son du futur

Les marxistes ne peuvent qu’accueillir le sentiment d’opposition populaire aux ravages du marché après les reculs de la dernière décennie. Les médias d’affaires prennent tout naturellement une vue différente. L’édition du 11 septembre 2000 de Business Week (une publication dirigeante du monde des affaires aux E.U.) a publié comme article principal un article intitulé «Too Much Corporate Power? » qui rapporte: « Les trois-quarts des Américains pensent que le monde d’affaires a gagné trop de pouvoir sur trop d’aspects de leurs vies », et « 66% pensent que la croissance de profits est plus importante pour les grandes compagnies que le développement des produits fiables, peu dangereux et de qualité pour les consommateurs ». Business Week a conclu l’article d’un air maussade: « Dit tout simplement, il devient à la mode d’être anti-affaires », et a observé qu’à l’encontre des années 60:

« Aujourd’hui, les Américains enragés contre le monde d’affaires croissent à travers les démarcations de génération, de géographie, et même de revenu ». [notre traduction]

C’est ce sentiment qui a alimenté les manifestations les plus récentes. Ce qui alarme vraiment les dirigeants américains vis-à-vis les protestations anti-OMC à Seattle en novembre 1999 était le soutien populaire répandu pour les contestataires. Mais à moins que cette impulsion soit liée à une compréhension de la vraie dynamique du capitalisme mondial et de la nécessité de son élimination, plutôt que de sa réforme, rien de fondamental ne changera.

Les revendications pour « l’échange équitable et non le libre-échange » et pour plus de « responsabilité du monde d’affaires » sont conçues pour contenir la protestation dans le cadre du système. Si l’étendue et la profondeur des protestations grandissent suffisamment, il est possible qu’un Ralph Nader, Jesse Jackson ou Ken Livingstone puisse un jour être nommé au comité du FMI ou de l’OMC. Leur présence, cependant, servira seulement de caution à ces institutions.

Il ne suffit pas de protester contre les effets du capitalisme international ou de demander la réforme de ses outrages les plus extrêmes. La réponse n’est pas l’« échange équitable », et certainement pas le protectionnisme, mais le déracinement d’un système qui empoisonne le monde, affame des centaines de millions de personnes et condamne des milliards à des vies de pauvreté brutale. La poursuite du profit, tôt ou tard, produira inévitablement une autre (et probablement la dernière) guerre de fusillade inter-impérialiste cette fois avec les armes nucléaires. Il est impossible de faire évoluer une société humaine, écologiquement rationnel et non basée sur l’exploitation de façon pacifique à partir d’un système enraciné dans le racisme et l’exploitation.

Le développement d’un mouvement politique de masse capable de renverser le système mondial de piraterie organisée, représenté par le FMI et la Banque mondiale, dépend de la création d’une organisation révolutionnaire disciplinée (un « parti du combat ») armée d’un programme liant les intérêts des ouvriers et des opprimés du « monde développé » à ceux des pays néo-coloniaux. Il n’y a pas d’autre voie.