Victimes de la répression capitaliste du néo-apartheid

Massacre des mineurs en Afrique du Sud

La déclaration qui suit a été lue et distribuée par la TBI lors d’une manifestation d’urgence en solidarité avec les mineurs de Marikana, à Oakland (Californie) le 24 août 2012.

Le massacre de la mine de Marikana est une affreuse tragédie qui met à nu la réalité de la vie en Afrique du Sud capitaliste. Le témoignage d’une personne présente lors de l’événement raconte ce qui a réellement eu lieu.

Lorsque les grévistes ont refusé de quitter ce que l’on a nommé depuis la « Colline de l’horreur », la South African Police Force [police sud-africaine] l’a en-tourée de fil barbelé de rasoir ainsi que de Casspirs (voitures blindées) et de canons à eau. Un petit nombre de grévistes sont descendus près du fil chercher une issue. Les forces de police ont ouvert le feu sur eux avec des balles en caoutchouc ; certains se sont alors rués vers une ouverture étroite dans la clôture, où les gendarmes ont de nouveau tiré, cette fois-ci à balles réelles.

Les images vidéo déjà diffusées de par le monde expliquent ce qui est ar-rivé après que la police eut commencé à tirer. Mais elles ne montrent pas les évènements qui ont eut lieu sur la colline environ 300 mètres dans la direction inverse, où la plupart des victimes ont été assassinées. On ne voit pas plus d’images des travailleurs fauchés en s’enfuyant à travers les champs, où des hélicoptères et des voitures blindées s’étant mis à leur poursuite les ont abattus. A présent, les flics ont déjà nettoyé le terrain de toutes les douilles de balles et de bombes lacrymogènes.

Le commissaire de police nationale, Riah Phiyega, a affirmé grotesquement que « C’était la bonne chose à faire », et le secrétaire général du NUM (National Union of Miners [Syndicat national des mineurs]), Frans Baleni, a assuré que « Les forces de l’ordre se sont montrées patientes, or ces gens-là étaient extrêmement bien armés d’armes dangereuses ». Comment des hommes avec des machettes et des gourdins sont-ils censés tenir tête à des gendarmes équipés d’armes automatiques ? Les mineurs avaient-ils des hélicoptères et des voitures blindées ? Ils n’ont pas attaqué les forces de police. Ils s’enfuyaient après s’être fait tirer dessus, comme le ferait n’importe qui, et les flics les ont traqués comme des bêtes.

Dans Un long chemin vers la liberté, l’autobiographie de Nelson Mandela, on nous apprend que sous l’apartheid, 10 pour cent de la population, les Afrikaners, possédaient 87 pour cent des terres. Cela fait maintenant 18 ans que l’ANC [Conseil national africain] est au pouvoir, et au cours de ces 18 années ils n’ont restitué que 8 pour cent des terres aux agriculteurs noirs.

L’ANC est un parti capitaliste. Quand Mandela a pris le pouvoir, ils ont abandonné leur propre Charte de la liberté—qui promettait la réforme agraire et la nationalisation d’une partie de l’industrie—, et a imposé au pays des programmes d’ajustement structurel du FMI. La redistribution n’a profité qu’à un nombre infime de poids lourds privilégiés de l’ANC tel Cyril Ramaphosa, autrefois chef du NUM et qui a ensuite été secrétaire général de l’ANC ; il est au-jourd’hui au conseil d’administration de Lonmin, la société qui possède la mine de Marikana.

Les autres partenaires au sein du gouvernement sud-africain, le Parti communiste sud-africain et le COSATU (Congress of South African Trade Unions [Congrès des syndicats sud-africains]) ont eux-aussi trahi les mineurs. Le Parti communiste sud-africain a appelé officiellement à l’arrestation des chefs du syndicat dissident l’AMCU (Association of Mineworkers and Construction Union [Association syndicale des ouvriers miniers et de bâtiment]) sans formuler d’accusation concrète. Un stalinien américain, Jean Damu, a récemment écrit un article dans le Counterpunch soutenant que l’AMCU est un syndicat « dual unionist » qui devrait sans plus attendre se fondre dans le NUM.

Cette logique implique qu’il ne doive exister aucun syndicat indépendant en dehors de ceux qui soutiennent déjà le gouvernement. Nous ne portons aucun jugement sur la politique de l’AMCU, mais nous reconnaissons qu’elle est la cible d’une répression acharnée conduite par les acteurs-clés du gouvernement sud-africain, et qu’elle constitue un terrain pour exprimer, bien que de façon limitée, une opposition au capitalisme sud-africain.

Les travailleurs sud-africains cherchent, avec raison, l’égalité sociale et économique. La fin de l’apartheid ne la leur a pas apportée, parce que l’ANC et ses partenaires gouvernementaux acceptent la continuation du capitalisme et de la domination économique afrikaner. N’existera en Afrique du Sud une égalité digne de ce nom que lorsque les mines, les usines, les banques, les réseaux de transport, l’agroalimentaire et toute la production seront expropriés et mis en œuvre pour établir une économie planifiée dans laquelle la production sera réglée en fonction des besoins humains, et non pas du profit privé.

Nous condamnons l’ANC et ses partenaires, qui lient les travailleurs à une politique capitaliste, et nous n’avons rien en commun avec la politique nationaliste de Julius Malema, qui a appuyé le dernier gouvernement ANC et ambitionne de remplacer la direction ANC. Nous soutenons les luttes des travailleurs sud-africains pour l’égalité économique. Mais pour y arriver il ne suffit pas de se battre pour des exigences vagues tels que des salaires et des conditions de travail meilleurs. C’est ce type de démarche réformiste qu’a tenté la FOSATU (Federation of South African Trade Unions [Fédération de syndicats sud-africains]) dans les années 1980, et, quand bien même leur ardeur aurait été admirable, cela les a conduits à la fin à rallier le COSATU collaborateur de classe.

Pour gagner, la classe ouvrière sud-africaine doit bâtir un parti avec pour base un programme politique ouvrier visant la prise du pouvoir. Ils peuvent remporter la bataille, à condition d’adopter une perspective internationaliste qui mettra leurs luttes en lien avec celles de travailleurs des pays voisins.

Victoire aux mineurs de Marikana !

Pour un gouvernement ouvrier sud-africain centré sur les noirs !