NPA : Nouveau Parti réformiste

Les pablistes français renoncent au trotskysme

Le texte suivant est une traduction des extraits d’un article de 1917, édition de langue anglaise, nº 32, 2010.

Pour être réellement « anticapitaliste », il faut en dernière analyse qu’une organisation se base sur un programme socialiste révolutionnaire. Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), lancé par la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), l’ancienne section principale du « Secrétariat unifié de la Quatrième Internationale » pseudo-trotskyste, ne prétend même pas perpétuer la tradition politique de Marx, Lénine et Trotsky. Au cours de l’interview dans laquelle il a proposé publiquement pour la première fois la création du NPA, Olivier Besancenot a expliqué le caractère explicitement anti-léniniste de ce dernier : « S’il [le NPA] voit le jour, la LCR n’a plus vocation à exister en tant que telle. Il s’agit de former un parti militant qui ressemble à la société, un parti qui ne sera pas un parti d’adhérents passifs ni une avant-garde révolutionnaire élitiste » (Le Parisien, 24 août 2007).

Besancenot a obtenu 4,1 % des voix [lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2007] contre seulement 1,9 % pour le leader du Parti communiste français (PCF) Marie-George Buffet et 1,3 % pour Arlette Laguiller de Lutte ouvrière (LO). Désireuse de se procurer le soutien de la LCR pour le deuxième tour, Ségolène Royal, la candidate du Parti socialiste (PS), soutenue officiellement par les bourgeois du Parti radicale de gauche (PRG) et du Mouvement républicain et citoyen (MRC) de Jean-Pierre Chevènement, a proposé à Besancenot « de participer à des réunions publiques et à une commission pour enrichir son programme de certaines [des] propositions [de la LCR] » (Libération, 27 août 2007). La LCR a repoussé cette ouverture, mais a néanmoins fini par soutenir Royal au deuxième tour.

L’équilibre des forces sur la « gauche de la gauche » balançant en sa faveur, la direction de la LCR donnait le jour au NPA afin d’attirer des éco-réformistes, des altermondialistes et des socio-démocrates dissidents. À cette fin, ils ont abandonné tout lien formel au trotskysme et au « communisme révolutionnaire », dissous la LCR et se sont présentés comme « anticapitalistes » quelconques. Cette rhétorique est assez banale au sein du mouvement ouvrier français. Même le PS, au cours de son Congrès d’Épinay de juin 1971, prêcha une « rupture avec le capitalisme » :

« Le congrès mandate sa nouvelle direction pour préparer un accord de gouvernement avec le PCF. La motion finale se réfère à la stratégie d’union de la gauche, à la rupture avec le capitalisme et au front de classe des travailleurs. Epinay marque le véritable départ du PS et renoue avec la synthèse traditionnelle du socialisme français : anticapitalisme, confiance dans l’action réformatrice de l’Etat, humanisme… »
— « Le Parti socialiste depuis 1971 », www.parti-socialiste.fr

Le rejet formel du trotskysme par la LCR en faveur d’une variante de ce « socialisme français » traditionnel était un message pour les partisans de Buffet, Jean-Luc Mélenchon et compagnie que le nouveau parti est pleinement dévoué à se joindre au réformisme dominant. La déclaration du NPA concernant son « indépendance » vis-à-vis d’un PS discrédité, c’est-à-dire son refus catégorique de considérer sa participation dans n’importe quel genre de coalition avec lui, n’a été qu’une manœuvre tactique. Mais elle a toutefois présenté un défi direct au PCF, qui ne peut maintenir son appareil et sa représentation parlementaire que dans le cadre d’accords électoraux avec le PS. La direction de la LCR savait que beaucoup de travailleurs, qui historiquement avaient soutenu le PCF et le PS, étaient tellement dégoûtés par les trahisons de la Gauche Plurielle qu’ils étaient indifférents au sort de leurs élus tant à l’Assemblé nationale que dans les conseils municipaux et qu’ils seraient donc attirés à un parti « anticapitaliste » nouveau et indépendant du PS.

Durant l’automne 2008, aux prémisses de la crise financière mondiale, la classe dirigeante française manifestement effrayée par la possibilité d’un bouleversement social massif tentait, par la voix de Sarkozy, de rassurer la population en jurant que « cette crise n’est pas une crise du capitalisme » (Lefigaro.fr, 25 septembre 2008). La LCR avançait quelques propositions aux allures radicales, dont celle de « réunifier toutes les banques, publiques comme privées, dans un seul service public bancaire, placé sous le contrôle des salariés, des consommateurs et des usagers » (Le Monde, 17 octobre 2008). Besancenot affirmait de même que « la levée des secrets bancaire, commercial, industriel », c’est-à-dire la possibilité pour les ouvriers d’examiner les livres de comptes des capitalistes, serait peut-être nécessaire (L’Express, 26 novembre 2008). Henri Weber, un leader du PS qui appartenait autrefois à la LCR, a dénoncé « le caractère ultraarchaïque des solutions » proposées par Besancenot (Le Monde, 30 octobre 2008).

De retour à la Deuxième Internationale

Le cadre programmatique et organisationnel du NPA est celui de la Deuxième Internationale et non pas celui de la Troisième Internationale léniniste ou de la Quatrième Internationale de Trotsky, dont ni l’une ni l’autre n’admettait des partis comme le NPA. Les « Principes fondateurs du Nouveau Parti anticapitaliste », adoptés au cours de son premier congrès, ne font même pas mention de la révolution russe d’octobre 1917—la seule prise de pouvoir réussie par le prolétariat à ce jour. Par contre, le document fait vaguement référence à la continuation du travail de « ceux qui ont cherché, avec ou sans succès, à renverser l’ordre établi ou à résister à l’oppression ». Dans les principes du NPA le « socialisme » est décrit en termes de troisième camp comme étant quelque chose qui « s’oppose radicalement aux dictatures bureaucratiques qui, de l’ex-URSS à la Chine, en ont usurpé le nom, alors même qu’elles reproduisaient des mécanismes d’exploitation et d’oppression qu’elles prétendaient combattre ».

Bien que les régimes staliniens en Union soviétique, en Chine et dans d’autres États ouvriers déformés puissent bien être décris comme « oppressifs », ils ont été aussi fondés sur l’expropriation de la propriété capitaliste et sur la suppression du « mécanisme d’exploitation » principal sous le capitalisme : l’achat et la vente de la force de travail. Ce « mécanisme » n’a réapparu en URSS qu’après la triomphe en 1991 de la contre-révolution menée par Boris Eltsine avec le soutien non seulement de l’impérialisme mondial mais de toutes les agences réformistes dans le mouvement ouvrier, y compris la LCR. La réintroduction de la « liberté » capitaliste sous Eltsine a enrichi une poignée de parasites, tout en poussant des dizaines de millions de personnes dans la misère. L’espérance de vie a chuté, tandis que toutes les pathologies sociales — de la violence conjugale au meurtre — ont augmenté. Entre 1991 et 1998 le PIB a tombé par environ 40 %.

Cette indifférence « socialiste démocratique » de la LCR à l’égard de la défense des États ouvriers déformés et dégénéré est conforme à la stratégie électorale du NPA. Le crétinisme parlementaire soutenant à peu près toute l’activité pratique du nouveau parti est le complément du programme « maximum » du type Deuxième Internationale esquissé dans ses « Principes fondateurs » :

« En finir avec les crises implique d’en finir avec l’exploitation, donc avec la propriété privée des principaux moyens de production, d’échange et de communication, qui en constitue la base. Le système financier, les services essentiels à la vie, les grandes entreprises devront passer sous le contrôle des salariés et de la population, qui en assumeront la propriété et en assureront la gestion dans le cadre d’une planification démocratique. Libérées de la propriété et de l’appropriation capitalistes, la production et la répartition des richesses pourront bénéficier à la société tout entière. »

Les principes du NPA notent qu’il « faudra une révolution sociale pour abattre le capitalisme » et mentionnent même un « renversement » de l’appareil répressif bourgeois :

« Il n’est pas possible de mettre l’État et les institutions actuelles au service d’une transformation politique et sociale. Ces organismes, rodés à la défense des intérêts de la bourgeoisie, doivent être renversés pour fonder de nouvelles institutions au service et sous le contrôle des travailleurs et de la population. »

Le document contient aussi un croquis d’un « programme d’urgence » pour « [préparer] le socialisme que nous voulons » :

« Nous défendons un programme d’urgence qui, pour répondre aux besoins immédiats, met en question la propriété capitaliste des moyens de production, attaque le capital et ses profits pour augmenter les salaires, les pensions de retraite, les minima sociaux et pour satisfaire les besoins de la population.

« Ce programme insiste sur l’appropriation sociale du produit du travail par l’expropriation sans indemnisation des grands groupes capitalistes à commencer par ceux du CAC 40, des services et branches essentiels sous le contrôle des salarié-e-s et de la population. »

Les « Principes fondateurs » proposent que « les licenciements doivent être interdits sous peine de réquisition sans indemnités des entreprises qui licencient », et revendiquent la « réduction et partage du temps de travail jusqu’à abolition du chômage ». Dans son travail pratique, le NPA a tendance à formuler sa demande pour « l’interdiction » des licenciements comme une politique que devrait adopter l’État bourgeois existant.

Dans ses formulations les plus à gauches le NPA fait allusion à la transcendance du cadre du réformisme militant :

« C’est par le développement et la généralisation des luttes, des grèves généralisées et prolongées que l’on peut bloquer les attaques, imposer des revendications. C’est le rapport de forces issu de la mobilisation qui peut permettre la mise en place d’un gouvernement qui imposera des mesures radicales en rupture avec le système et engage une transformation révolutionnaire de la société. »

Or leur stratégie demeure essentiellement sociale-démocrate, envisageant une combinaison de succès électoraux et « mobilisations populaires » qui permettrait à un gouvernement « anticapitaliste » de faire fonctionner l’appareil de l’État existant en tant qu’instrument de transformation sociale :

« De la municipalité au parlement, nous soutiendrons toutes les mesures qui amélioreraient la situation des travailleurs, les droits démocratiques et le respect de l’environnement. Nous contribuerons à leur mise en œuvre si les électeurs nous en donnent la responsabilité. Mais nous resterons fidèles à ce pourquoi nous luttons et ne participerons à aucune coalition contradictoire avec ce combat.

« Nos élu-e-s refusent de cogérer le système. Ils s’opposent avec ténacité aux mesures antisociales et défendent bec et ongles, en toute indépendance des majorités de droite ou social-libérales, les intérêts des travailleurs et de la population.

« À l’échelle nationale, l’application d’un tel programme impliquerait la confrontation avec les classes dominantes, et exigerait une formidable mobilisation populaire, susceptible de faire émerger de nouvelles formes de pouvoir qui donneraient à un gouvernement anticapitaliste les moyens de sa politique. »

Dans sa « Résolution générale situation politique et sociale » le NPA projette l’établissement « des moyens efficaces de contrôle de la police par la population » comme étant une étape dans le processus de « mettre un terme à la Ve république par un processus constituant pour une république sociale anticapitaliste ». Cette approche gradualiste est le contenu réel de ces phrases à tonalité radicale s’agissant du « renversement » des organes de la domination capitaliste.

NPA : soupape de sûreté pour le capital

La fondation du NPA a eu lieu dans le contexte d’une mobilisation ouvrière massive contre le plan de Sarkozy de répondre à la crise financière de 2008 par davantage de mesures d’austérité et de licenciements. Au cours des premiers mois de 2009, cheminots, facteurs, travailleurs dans les secteurs hospitaliers, énergétiques et d’équipements automobiles se sont mobilisés aux côtés des lycéens, des professeurs de lycée et d’université dans une vague de grèves et de manifestations qui ont culminé dans quelques occupations d’usines. Les conflits se durcissant, l’emprise des directions syndicales officielles fut parfois contestée par des comités de grève élus et des assemblées générales quotidiennes. Jean-François Copé, un dirigeant de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) de Sarkozy, fit un peu de publicité gratuite pour le NPA en accusant Besancenot d’incitation à l’action « illégale » et « violente » (Libération, 21 janvier 2009). Dans quelques cas la colère justifiée des victimes d’attaques capitalistes a dépassé les limites de la légalité bourgeoise, mais le NPA n’y a joué aucun rôle directeur. Des travailleurs de l’usine de pneus Continental de Clairoix ont saccagé un édifice gouvernemental à Compiègne, tandis que ceux de 3M, Caterpillar, Sony et d’autres entreprises ont fait la une des journaux en séquestrant temporairement leurs patrons.

La bureaucratie syndicale s’est empressée d’isoler et de limiter les actions les plus militantes, tout en organisant une série de « journées d’action » nationales afin de défouler leur base. La première journée d’action, le 29 janvier 2009, quelques 2,5 millions de personnes sont descendues dans la rue pour manifester contre les projets du gouvernement et du patronat. Quelques jours plus tôt, la direction du NPA naissant a signé une déclaration commune avec le PCF, le Parti de Gauche (PG) et diverses autres organisations :

« Nous exigeons l’augmentation des salaires, du SMIC, du minimum vieillesse et des minima sociaux. Nous proposons l’annulation du paquet fiscal de l’été 2007 ; une redistribution du budget de l’Etat pour répondre aux besoins sociaux et développer les services publics à tous les niveaux ; une réforme de la fiscalité afin que les entreprises ne puissent plus, comme aujourd’hui, privilégier la spéculation au détriment de l’emploi et des conditions de travail. »
— « Déclaration unitaire pour le 29 janvier : “Ce n’est pas à la population de payer la crise!” », 26 janvier 2009

Presque deux semaines plus tard ces mêmes groupes, rejoints par le PS, LO et le MRC bourgeois, ont imploré Sarkozy de « changer de cap » :

« Le message de la journée du 29 janvier est clair. Ce n’est pas au monde du travail, à la population de payer la crise. Contrairement à ce que vient d’affirmer le Premier ministre, la journée du 29 janvier porte clairement la demande d’un changement de cap, notamment sur les questions des salaires, de l’emploi, des services publics. Nicolas Sarkozy et le gouvernement ne peuvent se dérober à ces exigences et ignorer les grands axes avancés dans la plate-forme syndicale unitaire.

« Plus largement, un très grand débat public est nécessaire dans le pays sur les mesures alternatives aux choix politiques actuels qui permettront de s’attaquer réellement et efficacement aux racines de cette crise et d’imposer une autre répartition des richesses et un autre type de développement. »
— « Communiqué commun des organisations de gauche réunies le 4 février », 5 février 2009

La contestation ouvrière virant de plus en plus à gauche, l’ancien premier ministre Dominique de Villepin a annoncé « un risque révolutionnaire » : « [Les gens ont le] sentiment que l’on se mobilise beaucoup pour les banques, on se mobilise beaucoup pour aider les entreprises mais que les salariés, eux, font les frais de la crise, que ce sont toujours les mêmes qui souffrent » (LePoint.fr, 19 April 2009).

Tout en signant des déclarations communes avec des partis réformistes et bourgeois, le NPA s’est distingué par des appels à une « grève générale »—et parfois même une « grève générale prolongée »—et des suggestions faites aux travailleurs continentaux de prendre le relais de leurs homologues des colonies de Guadeloupe et de Martinique, qui, suite à des grèves générales respectives de 44 jours et 38 jours, arrachaient des concessions importantes aux patrons. Dans une déclaration publiée quelques jours avant la deuxième journée d’action nationale le 19 mars 2009, le NPA notait :

« Une seule journée “tous ensemble” ne suffira pas.

« En Guadeloupe et à la Martinique, c’est au bout de plusieurs semaines de grève générale que le pouvoir et les patrons ont plié.

« Pour interdire les licenciements, 300 euros net pour tous, le SMIC à 1500 euros net, obtenir le retait [sic] des réformes libérales, il faut préparer un mouvement de grève générale afin de faire céder le MEDEF et le gouvernement. »

Le numéro inaugural de Tout est à nous, l’hebdomadaire du NPA, a revendiqué une « grève générale » à la une du journal, et rendu compte que les 3 millions de personnes qui ont manifesté le 19 mars ont exigé « que le gouvernement change de cap et arrête de diriger pour une minorité ». On pouvait aussi y lire que :

« …entre l’extension de services publics de qualité financés par l’impôt et la multiplication des cadeaux fiscaux à ses amis les riches, ce gouvernement a depuis longtemps choisi. A l’exact opposé de cette politique, une révolution fiscale s’impose, avec retour à la progressivité de l’impôt et taxation réelle des profits et des fortunes. Et, surtout, du capital. »

La signature du NPA sous des déclarations communes avec le PS, le PCF et de partis bourgeois demandant que Sarkozy mette en application diverses mesures keynésiennes et une structure fiscale plus progressiste, indiquait à la classe dirigeante (et à leurs lieutenants au sein du mouvement ouvrier) que, malgré ses discours parfois radicaux, la bourgeoisie pouvait compter sur le NPA pour limiter ses actions au cadre de l’ordre politique et social du capitalisme.

Les appels répétés de Besancenot à la « grève générale » ont néanmoins été perçus par la direction pro-capitaliste des syndicats comme une intrusion dans leurs affaires. En octobre 2008, Bernard Thibault, le leader de la Confédération Générale du Travail (CGT), syndicat traditionnellement aligné sur le PCF, notait « chez Olivier Besancenot la tentation d’être un responsable politique et dans le même temps un animateur en chef des luttes sociales » (Le Monde, 7 octobre 2008). François Chérèque, leader de la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT), dénoncait les militants « rapaces » du NPA qui « font le tour des entreprises en difficulté » (AFP, 16 mars 2009).

La distinction artificielle entre les sphères « sociale » et « politique » remonte à la Charte d’Amiens de la CGT en 1906, qui stipulait que les syndicats devaient rester « indépendants » de tout parti politique. Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, cette idée est régulièrement évoquée par des leaders syndicaux et des partis en vue de justifier l’activité réformiste de leurs bureaucraties analogues (et très souvent interconnectées). Dans une lettre écrite en juin 1921, Léon Trotsky expliquait au syndicaliste révolutionnaire Pierre Monatte que la Charte d’Amiens ne contenait plus rien de progressif :

« Il est évident pour tout communiste conscient que le syndicalisme français d’avant-guerre était une tendance révolutionnaire très importante et très profonde. La charte a été pour le mouvement prolétarien de classe un document très précieux, mais la valeur de ce document est historiquement limitée. Depuis, il y a eu la guerre, la Russie des Soviets s’est fondée, une immense vague révolutionnaire a passé sur toute l’Europe, la IIIe Internationale a grandi et s’est développée. »
— « Lettre à P. Monatte », 13 juillet 1921

Le soutien principal du NPA au sein des syndicats provient de professeurs et autres cols blancs, mais lorsque les manifestations devenaient plus militantes son influence s’est accrue dans d’autres domaines :

« Le recrutement est visible notamment dans l’auto-mobile avec de nouveaux adhérents tant à Renault, Citroën, Peugeot, Ford que dans les secteurs les plus ouvriers des services publics comme La Poste ou la SNCF. Mais pas encore suffisant pour constituer des bastions. “On s’est renforcés mais nous n’avons pas encore de grandes sections d’entreprises”, tempère Basile Pot, un de ses responsables. Mais l’influence des mots d’ordre de Besancenot est, elle, bien réelle. C’est peut-être cette radicalisation qui fait peur à la CFDT. »
Le Monde, 21 mars 2009

Les bureaucrates syndicaux ne furent pas les seuls à s’inquiéter de l’accroissement de l’influence du NPA. Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP, a dénoncé « l’action de certains manipulateurs d’extrême gauche » qui « n’ont qu’une seule volonté, attiser la violence » (AFP, 25 avril 2009). Le principal journal de la droite en France, Le Figaro (23 avril 2009), notait que des hommes de mains anonymes de la CGT et de la CFDT avaient accusé des membres du NPA et de LO d’être à l’initiative de la plupart des séquestrations des patrons et d’autres actions radicales.

Le NPA a dénoncé le rôle traître des dirigeants syndicaux étouffant les initiatives de leur base, mais dès la dernière journée d’action importante le Premier mai 2009, quand la participation a chuté à 1,2 million de manifestants, Besancenot et compagnie ont commencé à adoucir leur agitation pour une grève générale. Lorsque la classe ouvrière bouillonnait les leaders du NPA n’ont pas tenté sérieusement de mobiliser les couches les plus avancées de la classe ouvrière en vue d’action concrète pour élargir la lutte. Finalement les directions syndicales ont regagné assez de confiance pour remplacer les manifestations nationales par de « mobilisations décentralisées », évidemment censées démobiliser leurs rangs. Bien que se plaignant de ce sabotage, la direction du NPA a aussi renoncé formellement à la lutte pour se mettre à la tête des syndicats : « Le NPA a tenu à dire à la CGT que sa crainte de construction d’un courant NPA dans la CGT, était sans fondement. L’autonomie des syndicats quant à la défense des salariés va de soi pour le NPA » (« Communiqué du NPA. Rencontre NPA-CGT », 2 octobre 2009).

Pour un parti ouvrier révolutionnaire !

La construction de partis ouvriers révolutionnaires de masse a toujours présenté aux marxistes de sérieux défis. Voilà plus d’un siècle que la grande révolutionnaire polonaise, Rosa Luxemburg, observait :

« La progression historique du prolétariat jusqu’à la victoire n’est effectivement pas une chose si simple. L’originalité de ce mouvement réside en ceci : pour la première fois dans l’histoire, les masses populaires décident de réaliser elles-mêmes leur volonté en s’opposant à toutes les classes dominantes ; par ailleurs, la réalisation de cette volonté, elles la situent au-delà de la société actuelle, dans un dépassement de cette société. L’éducation de cette volonté ne peut se faire que dans la lutte permanente contre l’ordre établi et à l’intérieur de cet ordre. Rassembler la grande masse populaire autour d’objectifs situés au-delà de l’ordre établi ; allier la lutte quotidienne avec le projet grandiose d’une réforme du monde, tel est le problème posé au mouvement socialiste ; ce qui doit guider son évolution et sa progression, c’est le souci d’éviter deux écueils : il ne doit sacrifier ni son caractère de mouvement de masse, ni le but final ; il doit éviter à la fois de retomber à l’état de secte et de se transformer en un mouvement réformiste bourgeois ; il lui faut se garder à la fois de l’anarchisme et de l’opportunisme. »
Réforme sociale ou révolution ?

Le devoir des marxistes est toujours de dire la vérité plutôt que de s’adapter à ce qui est en vogue le moment présent. La seule voie pour un avenir socialiste passe par la création d’un parti léniniste-trotskyste capable de mobiliser la classe ouvrière en vue de la reconstruction révolutionnaire de la société, et ce, dans l’intérêt des opprimés et exploités sous le capitalisme. La création d’un tel parti exige de la volonté, une souplesse tactique et surtout une volonté d’appeler les choses par leur nom. Ceux qui diffusent l’illusion que le réformisme recyclé du NPA créera un raccourci pour une prise de conscience révolutionnaire des masses n’aident pas, mais plutôt bloquent, la lutte pour la création d’un instrument avec lequel « les masses populaires décident de réaliser elles-mêmes leur volonté en s’opposant à toutes les classes dominantes ».