L’islam, la laïcité et la gauche

Pour la séparation de la religion et de l’État !

Voici des traductions de deux articles sur la question de la laïcité et la liberté de religion. Le premier texte est tiré de 1917, édition anglaise, nº 27, 2005, le deuxième de 1917, édition anglaise, nº 28, 2006.

A la rentrée scolaire de septembre 2004, une nouvelle loi entrée en vigueur en France interdit le port du hijab (le voile islamique) à l’école. Prétendument pour préserver la laïcité de l’éducation publique, la loi interdit la démonstration « ostensible » de tout signe religieux, y compris de grandes croix chrétiennes, kippas juives et turbans sikhs. Malgré l’impartialité formelle de la loi, son vrai but est de supprimer l’influence grandissante de l’islam au sein de la minorité arabe en France.

L’administration scolaire française mène un combat intermittent contre le hijab depuis des années. En octobre 1989, trois lycéennes à Creil furent exclues temporairement pour port du foulard, et ultérieurement réintégrées après que le Conseil d’État ait décrété que le port du hijab à l’école ne contredit pas en soi la laïcité de l’éducation publique à condition qu’il ne soit pas « ostensible » et qu’il ne s’agisse pas d’« un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande ».

L’interdiction actuelle est née d’une controverse qui a éclaté lorsqu’en octobre 2003, deux sœurs, Alma et Lila Lévy, subirent l’exclusion temporaire de leur lycée à Aubervilliers pour port du hijab. Leur père, Laurent, un athée juif qui travaille comme avocat pour un groupe antiraciste [le MRAP, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples], s’oppose au voile mais croit toutefois que ses filles (dont la mère, quoique née d’une famille musulmane, n’a jamais pratiqué l’islam) devraient avoir le droit de porter le hijab à l’école. Les sœurs Lévy affirment avoir appris l’islam de leurs grands-parents maternels, et elles précisent qu’elles endossent le foulard pour protester contre l’islamophobie. Elles assurent que l’ « on ne le porterait jamais dans un pays où c’est obligatoire » (Libération, 22 septembre 2003).

Selon le ministre de l’Éducation nationale, François Fillon, au moins 48 élèves ont connu l’exclusion dès l’entrée en vigueur de la nouvelle loi (Le Nouvel Observateur, 20 janvier 2005). Le 6 novembre 2004, la BBC a rendu compte de l’exclusion de trois garçons sikhs pour port des turbans. Il n’y a eu aucun reportage sur l’utilisation de la loi contre des élèves chrétiens ou juifs.

L’interdiction du hijab a surgi lors d’une vague montante de xénophobie en Europe occidentale : les immigrés, les demandeurs d’asile et les minorités visibles se retrouvent de plus en plus souvent comme boucs émissaires des effets de l’irrationalité capitaliste. Ceux d’origine arabe en sont particulièrement victimes suite de la chasse aux sorcières « antiterroriste» déclenchée par l’impérialisme mondial. A Anvers en Belgique, la police a remis en vigueur une loi archaïque, qui interdit aux festivaliers de porter des masques, afin de harceler les musulmanes qui se voilent le visage en public. « Si vous portez un masque de Mickey Mouse et vous vous promenez dans la rue à Anvers, a proclamé le commissaire de police François Vermeulen, vous allez être arrêté par la police. C’est aussi simple que ça. Ce n’est pas seulement la question de femmes portant la burqa ou le foulard ou le voile » (BBC News, 31 janvier 2005). Mais en fait cette mesure, comme l’interdiction française, vise à persécuter les musulmanes et les musulmans, considérés par les gardiens racistes de l’ordre capitaliste comme ennemis dans l’enceinte de la « Forteresse Europe ».

L’hystérie anti-immigrée promue par l’État ainsi que l’islamophobie grandissante alimentent la croissance des organisations d’extrême droite à travers l’Europe. En France, Jean-Marie Le Pen, leader du Front national fasciste, est arrivé en deuxième place lors du premier tour de l’élection présidentielle française de 2002, affrontant ainsi le conservateur Jacques Chirac au second tour.

Le gouvernement français poursuit actuellement une immonde campagne de déportation des sans papiers. Sous couvert de « contre-terrorisme » les immigrés (surtout les personnes de couleur) sont de plus en plus sujets aux « contrôles de sécurité », des arrestations et des déportations sous le raciste plan Vigipirate. Pour les minorités en France, la promesse de « Liberté, Égalité, Fraternité » faite par la Révolution française demeure une plaisanterie cruelle.

L’interdiction du foulard à l’école a eu l’effet prévisible d’attiser la haine anti-musulman. Un médecin à Paris, par exemple, tout en professant ses préoccupations pour les « droits de l’homme et de la femme », a annoncé qu’il n’accepterait plus de patientes portant le hijab puisque « l’extrémisme a mené a trop de crises dans le monde » (IslamOnline.net, 24 janvier 2004). Le 21 décembre 2004, l’accès à une cérémonie officielle à la préfecture de Seine-Saint-Denis fut refusé à cinq femmes portant le foulard, dont trois venaient pour recevoir leurs décrets de naturalisation (Le Monde, 18 janvier 2005).

Jérôme Rivière, député de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP), se voulant respectueux du caractère laïc de la France, a cyniquement  remarqué: « Nous n’avons aucun problème avec la religion en France. Nous avons un problème avec son exploitation politique par une minorité » (BBC News, 11 février 2004). Pourtant l’engagement dans la voie de la laïcité annoncé par le gouvernement UMP ne l’a pas empêché, comme ses prédécesseurs, de financer généreusement des écoles privées religieuses :

« Malgré l’insistance de la France pour que la laïcité règne dans ses écoles, il y a des exceptions. La France dépense des milliards de dollars chaque année pour financer des écoles privées religieuses, dont la plupart sont catholiques, et surtout pour payer les salaires d’enseignants, par exemple. Les écoles privées religieuses dépendantes du financement public se doivent de suivre strictement le curriculum national, mais le contrôle par l’État n’est pas rigoureux. Par exemple, à l’École Merkaz Hatorah pour juifs orthodoxes, recevant de l’argent public et victime d’un incendie criminel en novembre dernier, l’évolution est enseignée comme une théorie, et non un fait. »
International Herald Tribune, 11 février 2004

Cinq millions de musulmans habitent en France, davantage que dans tout autre pays d’Europe. Pendant les années 1960, face à une pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement français, qui de nos jours considère sa minorité arabe comme un surplus de population, a encouragé les citoyens de ses anciennes colonies du Maghreb à venir chercher une vie meilleure dans la métropole impériale. Quarante ans plus tard ces immigrants, ainsi que leurs enfants et leurs petits-enfants, sont toujours largement inassimilés à la société française — principalement à cause du racisme officiel et non officiel. Vivant dans des logements de piètre qualité et concentrée dans des banlieues-ghettos, la minorité arabe en France est confrontée aux discriminations sur les questions de l’emploi et de l’école et se trouve harcelée sans cesse par des racistes en uniforme ou non. Dans certaines régions leur taux de chômage monte jusqu’à 40 %.

Historiquement, la minorité maghrébine de la France, laïque pour la plupart, avait tendance à soutenir les partis de la gauche réformiste. Mais le bilan répugnant de chauvinisme anti-immigré du Parti socialiste et du Parti communiste français a laissé des traces. Dans un des cas le plus infâme, en décembre 1980 le maire « communiste » de Vitry-sur-Seine, Paul Mercieca, a entrepris au bulldozer la démolition d’un foyer de travailleurs immigrés. La croissance de l’islam radical dans la population arabe de la France, quoique exagérée, est bien réelle, ce qui est imputable en grande partie aux trahisons répétées des sociaux-démocrates et des staliniens.

La gauche et le hijab

Les socialistes révolutionnaires s’opposent à toute discrimination. Nous défendons le droit de n’importe qui à porter un hijab, un turban, une kippa, une croix ou toute autre signe religieux. Bien que les marxistes soient athées, nous soutenons le droit de chacun à pratiquer la religion de son choix comme nous défendons le droit des gays et des lesbiennes de se marier sans soutenir l’institution du mariage bourgeois. Les socialistes ne diffusent pas l’illusion qu’il y ait de quoique ce soit de progressiste dans l’obscurantisme religieux — qu’il s’agisse de l’islam, du judaïsme, du christianisme ou du zoroastrisme.

Les révolutionnaires sont les défenseurs de l’égalité sociale absolue de la femme et ils reconnaissent que le hijab (comme toute forme de voile) est un symbole de l’asservissement féminin. (Le terme « hijab » dérive du mot arabe « hajaba », ce qui signifie « cacher de vue ».) Les réactionnaires islamiques qui imposent avec force le voile aux femmes les considèrent comme à peine plus que des esclaves qui doivent à leurs yeux être exclues d’une pleine participation à la vie sociale. Bien que le voile soit un emblème de la réaction misogyne, son interdiction ne peut que renforcer l’idée chez les jeunes musulmans en France que l’islam radical soit la seule alternative réalisable au statu quo raciste.

Ce fait élémentaire est nié par diverses organisations soi-disant marxistes, y compris le Parti communiste-ouvrier d’Iran (PCOI), un groupe d’émigrés dont les cadres ont été sauvagement persécutés par les théocrates réactionnaires de l’Iran. Le PCOI s’obstine à dire que son soutien pour l’interdiction « n’a rien à voir avec l’appui du gouvernement français et tout à voir avec la défense des valeurs humaines progressistes » :

« L’interdit est pro-laïcité et non pas une restriction de la liberté religieuse : une interdiction de signes religieux ostensibles à l’école publique n’est qu’un pas vers la laïcité ou bien de la séparation de l’État et de la religion. »
— « Dévoilant le débat sur la laïcité et les droits », 19 janvier 2004 (WPI Briefing n° 129)

L’imposition par la bourgeoisie française d’un code vestimentaire pour la jeunesse n’est pas un pas vers « la séparation de l’État et de la religion » mais plutôt vers son opposé. L’interdiction du hijab est une violation de la liberté de religion. En soutenant l’interdiction, le PCOI ajoute de la crédibilité aux vœux de préoccupation du respect de la « démocratie » et des « droits de l’homme » émis par les gouvernants racistes.

En épousant la notion que l’État impérialiste puisse être employé comme instrument du progrès social, le PCOI marche sur les traces du « socialisme évolutionnaire » énoncé par Eduard Bernstein pendant les années 1890. Le fait qu’un grand nombre de leurs cadres furent torturés et assassinés par la République islamique d’Iran ne justifie pas leur soutien à l’interdiction du voile imposée par les impérialistes français, mais il explique du moins la motivation subjective du PCOI. On ne peut pas en dire autant pour Lutte ouvrière (LO), le plus grand groupe prétendument trotskyste en France, dont les partisans ont demandé scandaleusement des sanctions immédiates contre les sœurs Lévy (Le Monde, 9 octobre 2003). LO écrit que:

« Interdire le port du voile à l’école, c’est permettre aux jeunes filles qui ne veulent pas le porter, à celles qui résistent à la pression familiale et à celles des intégristes et des machistes une aide dans leur combat. »
Lutte Ouvrière, 6 février 2004

En réalité, les écolières privées d’une éducation publique suite à l’obligation familiale de porter le hijab vont seulement poursuivre leurs études dans le cadre de l’ « enseignement à domicile » ou dans une institution islamique.

La position de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR, section principale du moribond Secrétariat unifié) sur cette question est encore plus méprisable que celle de LO. Tout en prônant le slogan « ni loi, ni voile » dans Rouge, leur hebdomadaire, un militant de la LCR qui enseigne au lycée des sœurs Lévy a expliqué que, même s’il juge préférable de trouver un moyen d’éviter leur renvoi :

« nous ne voulons pas non plus exclure les sanctions si un dialogue n’est pas possible. Le problème, c’est que ces deux élèves-là vont beaucoup plus loin que la douzaine d’autres cas que nous avons dans l’établissement. Elles sont dans une logique militante. »
Le Monde, 9 octobre 2003

C’est tout à leur crédit de constater que les militants des Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR), l’organisation de jeunesse de la LCR, semblent, eux, quelque peu moins hostiles à la « logique militante ». Les JCR ont participé à l’organisation d’une manifestation à l’appui des Lévy, et ce, dans leur école. Un militant des JCR, Xavier Chiarelli, a remarqué :

« Nous pensons qu’il faut se battre aux côtés des filles voilées. Nous n’approuvons pas l’oppression dont elles sont victimes, mais nous pensons que l’ennemi principal, c’est la classe dominante. A terme, on espère bien les convaincre que le foulard n’est pas un moyen d’émancipation. »
ibidem

L’hypocrisie flagrante de la LCR sur l’interdiction du hijab a sans doute pour origine de petits calculs organisationnels visant l’unité avec LO. Benoît Hubert, militant de la LCR présent sur une liste LO-LCR pour les élections régionales en 2004, a du retirer sa candidature suite à sa présence dans une manifestation sur Marseille contre l’interdiction du voile (Le Monde, 7 février 2004).

Le Socialist Workers Party (SWP) britannique, qui a des appétits « unitaires » avec la LCR, s’est déclaré catégoriquement contre l’interdiction du voile. Comme dans le cas de la LCR, la politique du SWP dérive de son opportunisme, mais cette fois dans le sens inverse. Au lieu de s’adapter aux préjugés islamophobes en France, le SWP recherche l’appui politique des clercs musulmans en Grande-Bretagne pour « RESPECT », une coalition électorale interclassiste qui, espèrent les prétendus révolutionnaires de la direction du SWP, leur assurera d’une manière ou d’une autre un rôle réformiste parlementaire de premier plan. À cette fin, le SWP nous apprend que l’islam peut être une force sociale potentiellement progressiste. Cette notion est expliquée dans un numéro récent d’International Socialism Journal (printemps 2004, n° 102). L’auteur de l’article, Antoine Boulangé, qui, avec d’autres sympathisants français du SWP, fait un travail politique au sein de la LCR, nous apprend que :

« L’islam n’est pas la menace que beaucoup aimeraient nous faire croire. Ce qui caractérise toute religion est son ambiguïté. Elle est un outil de domination pour ceux qui dirigent le système. Mais elle peut être un outil de résistance pour les opprimés. »

Tout en admettant la possibilité que « les jeunes femmes qui portent le foulard soient opprimées », Boulangé in-siste :

« Les jeunes femmes peuvent se servir du foulard en tant que moyen de libération malgré son aspect oppressif. Le but ici n’est pas d’idéaliser le rôle joué par la religion, mais de montrer que cette même religion, en dépit du fait d’être un outil de domination, peut jouer un rôle dans la formation d’une nouvelle identité — elle peut être un moyen de résistance dans une société raciste dans laquelle les immigrés et les musulmans sont opprimés. »

Il y a sans doute des jeunes musulmanes en France qui, comme les sœurs Lévy, portent le foulard en signe de protestation contre l’oppression raciste. Mais il ne s’ensuit pas qu’en adoptant ce signe de misogynie et de réaction elles progressent vers leur émancipation.

Les tribunaux charias au Canada

Plusieurs des questions posées par l’interdiction du hijab le sont également, sous un autre aspect, en Ontario, la province la plus peuplée du Canada. Le gouvernement de l’Ontario a décidé récemment d’accorder les mêmes pouvoirs aux tribunaux charias que ceux qui furent accordés aux organes chrétiens et juifs orthodoxes par la Loi de 1991 sur l’arbitrage, et de leur permettre de prendre des décisions ayant force légale sur le divorce, le patrimoine et autres conflits normalement jugées dans des « Cours de la famille ».

La loi charia, produit de plus d’un millénaire de loi canonique musulmane, vient du Coran (le texte sacré de l’islam) et des « hadiths » (les pratiques du prophète Mahomet). Les diverses confessions de l’islam ont des interprétations différentes de la charia — de celles relativement libérales à d’autres extrêmement réactionnaires. Mais ce qu’elles ont toutes en commun c’est la conviction que la femme est par nature inférieure à l’homme.

Bien que l’entente des deux partis soit nécessaire avant d’avoir recours au tribunal religieux, la réalité reste que les femmes dans les communautés religieuses sont soumises à une pression sociale intense par leurs amis et leur famille afin de mettre leur foi dans les mains de patriarches religieux. C’est particulièrement le cas pour les immigrées — une catégorie comprenant la plupart des musulmanes en Ontario — dont beaucoup sont déjà extrêmement isolées socialement.

L’introduction des tribunaux charias est saluée par divers progressistes et sociaux-démocrates comme un exemple de la tolérance et de la générosité de la politique de « multiculturalisme » de la bourgeoisie canadienne. En réalité, les tribunaux religieux sont un outil pour l’aggravation de l’isolement des communautés ethniques et religieuses et pour le renforcement des autorités religieux traditionalistes dans leur sein. Charles Demers a observé :

« La tentative d’introduire les tribunaux islamiques au Canada, bien que régressive, n’est pas rétrograde, mais plutôt un genre d’innovation des plus sinistre : dans un contexte social dans lequel les musulmans se trouvent éjectés du système légal canadien mais sont aussi présentés comme son principal ennemi, il faut installer un nouveau cadre pour gérer leurs besoins. Pendant que le financement de l’aide juridique s’essouffle, et que les services légaux offerts autrefois aux réfugiés disparaissent et que le droit canadien continue à se pratiquer comme si les communautés musulmanes n’étaient pas comme toutes les autres (comme dans le cas de Maher Arar [une victime canadienne de la chasse aux sorcières « contre-terroriste » islamophobe qui a été expédiée en Syrie pour être torturée]), il faut présenter un bon côté de cette ghettoïsation et de cette marginalisation. Le tribunal charia représente une “opportunité” pour certaines couches de la communauté musulmane face aux “crises” de l’effondrement général de la démocratie et à une campagne d’utilisation des musulmans comme boucs émissaires. »
— ZNet, 15 septembre 2004

Plusieurs dirigeants « communautaires » sont appréciés par la classe dominante canadienne pour leur rôle dans le maintien de l’ordre dans leurs fiefs respectifs, tandis que leur capacité d’influencer les votes de leur communauté pendant les élections garantie que leurs inquiétudes soient entendues par le gouvernement du jour.

Sur la gauche radicale certains s’inquiètent de la possibilité que l’opposition aux tribunaux charias constitue une capitulation à l’islamophobie et au racisme de la « guerre contre le terrorisme ». Ce serait le cas pour quiconque refusant aux autorités islamiques les mêmes droits que ceux possédés par les obscurantistes juifs ou chrétiens, ce qui n’est pas le cas pour les marxistes, qui s’opposent à tout tribunal religieux et luttent pour la séparation complète des fonctions de l’État de tout enchevêtrement religieux. Nous sommes également opposés au financement public des écoles catholiques, juives, islamiques et scientologiques.

Socialisme et religion

La position socialiste sur la liberté de religion a été expliquée clairement par V.I. Lénine il y a un siècle :

« Aucune différence de droits civiques motivée par des croyances religieuses ne doit être tolérée… La séparation complète de l’Église et de l’État, telle est la revendication du prolétariat socialiste à l’égard de l’État et de l’Église modernes. »
— « Socialisme et religion », 1905

La religion est strictement une question de conscience individuelle — tout en défendant le droit de tous d’adhérer à n’importe quelle superstition, ou aucune, nous sommes résolument opposés à toute subvention publique, exonération fiscale et toute autre forme de traitement de faveur pour les institutions religieuses. En 1844, Karl Marx a observé :

« Le fondement de la critique irréligieuse est celui-ci : L’homme fait la religion, ce n’est pas la religion qui fait l’homme… La lutte contre la religion est donc par ricochet la lutte contre ce monde, dont la religion est l’arôme spirituel.

« La misère religieuse est, d’une part, l’expression de la misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit. C’est l’opium du peuple. »
— « Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel: Introduction »

La religion, comme d’autres formes de fausse conscience, ne peut être éradiquée qu’à travers la lutte révolutionnaire des opprimés pour transformer les conditions infernales de vie sous une société de classe qui prédisposent tant d’individus à se soulager avec des rêves d’une vie après la mort, de rétribution divine, de réincarnation et autres absurdités analogues. C’est seulement par l’expropriation des moyens de production et par la création d’un nouvel ordre social égalitaire à l’échelle mondiale qu’il sera possible d’éliminer toute forme d’oppression sociale et les idéologies réactionnaires que cela engendre. Le rôle des marxistes est d’organiser la résistance à l’exploitation capitaliste et à toute forme d’injustice qui en dérive, et de lever la banderole de l’avenir communiste — un avenir sans pauvreté, sans haine et sans crainte.

 

En septembre 2005, le gouvernement libéral d’Ontario […] a mis fin à plusieurs mois de spéculation en annonçant qu’il n’étendrait pas la Loi de 1991 sur l’arbitrage […] aux tribunaux islamiques. Le gouvernement a décidé plutôt d’en finir avec tout arbitrage religieux. Ce renversement politique du Parti libéral est arrivé suite à la pression publique générée par une campagne menée largement par des sympathisants du Parti communiste-ouvrier d’Iran et soutenue fortement par des féministes bourgeoises et plusieurs autres organisations laïques.

Alors qu’une grande partie de la gauche a salué cette décision comme une réaffirmation du principe démocratique de la séparation de la religion et de l’État, Socialisme International (SI — organisation sœur du Socialist Workers Party britannique) s’y est opposé, on imagine, afin d’obtenir les faveurs de la minorité musulmane opprimée du Canada. Au cours des mois suivants, SI a organisé plusieurs meetings publics à Toronto sur ce même sujet, où ils ont rapporté avec fierté d’avoir vendu leur journal devant une mosquée locale. Le reportage de SI sur cette question désigne les éléments prétendument progressistes de la loi charia :

« Toute religion est contradictoire. Pourquoi les op-posants à l’emploi de la loi sur l’arbitrage ne mettent-ils pas l’accent sur les aspects de la loi islamique indiquant qu’il est le devoir de l’homme d’aider à la cuisine et au ménage, qui donnent droit à la femme, ainsi qu’à l’homme, au divorce et qui exigent une pension alimentaire pour les enfants lors d’une séparation ? »
Socialist Worker (Canada), 8 octobre 2005

Les militants de SI ont beaucoup de difficultés à expliquer pourquoi les socialistes devraient être en faveur de l’intégration de l’autorité cléricale et de l’État. Devant ces difficultés, ils argumentent que l’opposition aux tribunaux religieux peut encourager l’islamophobie :

« En France, le gouvernement a interdit le port du voile à l’école, et l’appui très répandu à cette loi rappelle ce que nous voyons maintenant en ce qui concerne la charia. Des réclamations abstraites de la laïcité masquent les sous-entendus racistes et sexistes qui représentent l’islam comme uniquement réactionnaire, ou les musulmanes comme uniques victimes nécessitant une libération imposée. »
Socialist Worker, 8 juin 2005

Les marxistes dénoncent l’interdiction du foulard comme une attaque raciste contre la liberté de religion d’une minorité persécutée […]. Mais investir des clercs des pouvoirs de l’État n’est pas une défense de la liberté de conscience — c’est une attaque contre un des acquis clés de la démocratie bourgeoise. Ceux qui ne veulent pas (ou ne peuvent pas) faire cette distinction élémentaire n’ont pas le droit à se présenter comme socialistes.