Le Rubicon soviétique et la gauche

Traduit de 1917, no 11, édition anglaise, 1992


Dans les semaines qui ont suivi la tentative du putsch échoué du 19-21 août 1991, la Tendance bolchévique internationale était virtuellement seule parmi les groupes trotskystes autoproclamés à reconnaître que cet événement marquait la fin de l’État ouvrier soviétique. Chaque développement politique majeur depuis n’a fait que confirmer notre point de vue. Quelques jours après le putsch, à la demande de Boris Eltsine, Gorbatchev a proclamé la dissolution du Parti communiste soviétique. Le Congrès des Députés du Peuple a voté son auto-dissolution. En décembre Eltsine a annoncé la dissolution de l’Union soviétique et la formation de la soi-disant Communauté des États Indépendants. Il l’a fait même sans consulter Gorbatchev, dont les tentatives subséquentes de ce dernier de maintenir un semblant de gouvernement de toute l’union étaient tout simplement ignorées. Le Jour de Noël Gorbatchev a démissionné en tant que président de l’Union soviétique. Le drapeau soviétique a été baissé sur le Kremlin et a été remplacé par l’emblème tsariste le soir même. Eltsine a déménagé dans le bureau du président soviétique avant que Gorbatchev ait même pu préparer ses bagages.

Les institutions politiques majeures de l’État soviétique peuvent être dépouillées sans résistance armée parce que le destin de l’URSS a déjà été décidé. Les développements de l’après putsch sont un épilogue simple à ces trois jours d’août, lorsque les défenseurs démoralisés du vieil appareil stalinien ont lancé et ont échoué dans leur dernière tentative désespérée.

Eltsine n’a pas perdu de temps en lançant un plein assaut à l’économie étatique en pleine désagrégation. Au début de janvier 1992 il a retiré les subventions d’État pour les denrées alimentaires et à beaucoup d’autres articles, augmentant les prix plusieurs fois. Ceci n’était que la première d’une série des mesures destinées à remplacer la planification centralisée par l’anarchie du marché. Les agitations d’une protestation populaire ont rapidement suivi. Lorsque Eltsine a voyagé à travers le pays afin de mesurer la réaction publique, il était confronté par des foules enragées. Les émeutes pour les denrées alimentaires ont eu lieu en Ouzbékistan, dans la capitale Tachkent, réclamant la vie de plusieurs étudiants. Les travailleurs, les hommes militaires et les membres du vieil appareil du Parti ont manifesté contre le nouveau régime à la Place Rouge lors de l’anniversaire de la Révolution d’octobre. 5,000 officiers de l’armée se sont rassemblés devant le Kremlin afin de protester contre les plans d’Eltsine de diviser les forces armées selon les lignes nationales. En février 1992, 50,000 gens ont manifesté dans les rues de Moscou dans la plus grande manifestation contre le gouvernement jusqu’à présent. Les manifestations anti-Eltsine sont extrêmement hétérogènes. Pendant que quelques manifestants ont porté les drapeaux rouges et les portraits de Lénine et de Staline, le Parti libéral démocrate ultra-droitier et autres éléments monarchistes et antisémites étaient aussi très prononcés. Il est évident, lorsque la région du Caucase est déchirée par des massacres interethniques, et Eltsine continue ses querelles au sujet de la flotte de la Mer noire avec le nouveau régime nationaliste de l’Ukraine, que le voie de retour au capitalisme dans l’ancienne Union soviétique ne sera pas sans incident.

Les « réformes de prix » d’Eltsine ont été introduites selon les conseils de Jeffrey Sachs, enfant d’or de l’Harvard Business School, qui a passé les années précédentes en introduisant les souffrances du marché libre aux travailleurs polonais. Le but de ces réformes est de réduire le déficit budgétaire de l’État russe et de stabiliser le rouble. Sous l’ancien système planifié les prix étaient déterminés non pas par les forces du marché, mais par les décisions économiques et sociales des planificateurs de l’État. Le rouble a fonctionné plus comme billet de ration du travail que comme mesure de valeur. Afin d’établir un régime de la production marchande généralisée, et d’ouvrir l’économie de l’ex-Union soviétique au marché mondial, il est d’abord nécessaire, selon l’école d’Harvard, d’avoir en quelque sorte un équivalent universel qui établira les rapports par lesquels les divers biens peuvent être échangés.

Sur quels termes la Russie et les autres républiques joindront-elles la «famille des nations» impérialiste? La productivité du travail soviétique a toujours traînée par rapport à celle des pays capitalistes avancés. Les produits de l’industrie soviétique ne peuvent simplement pas rivaliser en prix ou en qualité avec les marchandises occidentales. Les capitalistes occidentaux sont peu disposés à investir même en Pologne ou dans l’ancienne RDA, qui possède une industrie plus avancée que celle de la Russie. Les industries russes et ukrainiennes sont encore moins certaines de trouver des acheteurs à l’étranger. Les «entrepreneurs» russes aspirants ne peuvent pas tout simplement prendre en charge les industries d’État existantes et commencer à faire de l’argent. Afin de devenir concurrentiel internationalement, la plupart des entreprises soviétiques exigerait un réoutillage massif et une mise à jour, et ceci ne peut être financé que de l’étranger. Les géants impérialistes, serrés dans des rivalités économiques intensives les uns contre les autres, ne sont pas enclins tout simplement à souscrire le développement d’un nouveau concurrent majeur. L’«aide» totale destinée à l’ancienne Union soviétique est seulement une fraction de ce que les impérialistes ont dépensé chaque année dans leurs préparations de guerre contre «l’empire du mal». L’aide qu’ils fournissent est seulement suffisante afin d’aider Eltsine à garder le contrôle sur une population difficile. Il n’y aura pas de Plan Marshall renouvelé.

Les pays qui constituent l’URSS ne sont pas sans valeur face aux prédateurs de Wall Street et de la bourse de Francfort. L’ancienne Union soviétique était producteur principal mondial du pétrole et du bois de construction, et ses territoires sont également riches en minéraux, en métaux et en grain. La population est bien éduquée même selon les standards occidentaux, et est donc un énorme marché potentiel et une réserve de travail exploitable. Mais les impérialistes voient l’ancienne Union soviétique surtout comme producteur de matières premières et de produits agricoles et comme consommateur des produits finis des E.U., de l’Europe et du Japon. La désindustrialisation qui accompagnera la restauration capitaliste enfermera les diverses républiques en un modèle de dépendance économique et de retard plus typique des pays du tiers monde que du monde capitaliste développé.

L’ancienne Union soviétique, par contre, n’est pas un pays du tiers monde. La Révolution bolchévique d’octobre 1917 a déchiré l’ancien empire tsariste hors de l’orbite impérialiste et a posé les fondements pour le transformer d’une nation paysanne arriérée en un pouvoir industriel majeur. A l’époque de la révolution, plus de 80 pour-cent de la population soviétique habitait à la campagne; aujourd’hui, plus de 60 pour-cent sont citadins.

La réintégration de l’Union soviétique dans la division internationale du travail capitaliste signifiera la ruine des secteurs économiques entiers: de l’acier, des machines, de l’équipement militaire et des biens de consommation et la destitution des dizaines de millions de travailleurs qui dépendent de l’industrie pour gagner leur vie.

Il est peu probable que les États émergents de la destruction de l’URSS seraient réduits au statut du tiers monde sans explosions de colère populaire. Le gouvernement d’Eltsine est encore extrêmement fragile, et a seulement commencé à construire son propre appareil armé. Lorsque l’indignation des masses à la « thérapie de choc » du marché libre continue à croître, Eltsine peut facilement tomber. Il a déjà été forcé de modifier quelques aspects les plus rudes de son projet économique. Mais aucun des successeurs voulus d’Eltsine n’est moins voué que lui à la restauration capitaliste; ils diffèrent seulement sur les tactiques et sur l’horaire.

Révolution politique prolétarienne ou contre-révolution bourgeoise?

La seule force qui peut renverser la marée contre-révolutionnaire—la classe ouvrière—est confondue et démoralisée suite à des années de trahisons staliniennes. Les travailleurs ont la capacité de bloquer les plans d’Eltsine. Son régime reste extrêmement fragile et vulnérable à un surgissement de la base. Les révolutionnaires dans l’ex-URSS doivent tenter de contourner l’hostilité populaire envers les spéculateurs des denrées alimentaires et les profiteurs en une arme contre le plan de privatisation dans son ensemble. En formant les comités des représentants dans chaque milieu de travail et chaque quartier ouvrier, les travailleurs peuvent se rassembler afin de recréer les soviets de 1905 et de 1917. De tels organes de pouvoir populaire peuvent assurer que la nourriture nécessaire est distribuée honnêtement. Ils peuvent aussi bloquer le pillage général, le vol des entreprises publiques et les congédiements avec une campagne pour une échelle mobile des salaires et des heures de travail, et constituer ainsi le cadre organisationnel pour un État ouvrier réincarné.

L’hostilité des masses aux mesures d’austérité d’Eltsine est exploitée par une légion de démagogues nationalistes droitiers et d’héritiers antisémites des Cents Noirs. Les manifestations contre Eltsine des mois récents ont rassemblé les staliniens « patriotiques » et les fascistes ultra-nationalistes russes. La restauration capitaliste a fait livrer une explosion de sang par les nationalistes réactionnaires partout à travers les régions du Caucase, de la Moldavie et ailleurs dans l’ancienne URSS. Les marxistes soutiennent le droit de toute nation à l’autodétermination et s’opposent au chauvinisme grand russe du Kremlin d’Eltsine. En même temps, les marxistes sont les meilleurs défenseurs de l’union volontaire des peuples de l’ancienne URSS dans une fédération socialiste renouvelée.

Afin d’éviter le désastre, la classe ouvrière a un besoin urgent d’une direction révolutionnaire. Un parti révolutionnaire chercherait à mobiliser le prolétariat afin de chasser du pouvoir Eltsine et les autres potentats nationalistes, de renverser les programmes de privatisation et de retourner le berceau du premier État ouvrier du monde à la voie révolutionnaire internationaliste de Lénine et Trotsky.

Tout groupe qui aspire à la direction révolutionnaire doit pouvoir reconnaître la réalité et dire la vérité. La réalité politique aujourd’hui a été façonnée par le fait que la victoire de la contre-révolution en août 1991 a détruit l’État ouvrier soviétique. Le gros de l’économie est encore formellement la propriété de l’État, tout comme en Pologne, en Tchécoslovaquie et dans les autres pays de l’Europe de l’est. Mais ceux qui exercent le monopole de la force dans la société sont voués à dépouiller, non pas à maintenir, la propriété étatique des moyens de production. La classe qui avait apporté au monde la propriété collectivisée et qui avait le plus grand intérêt dans sa survie—le prolétariat—était exclue du pouvoir politique direct avec la montée au pouvoir de Staline dans les années 1920. La bureaucratie stalinienne, en dépit de touts ses crimes contre la classe ouvrière, a dérivé son pouvoir social de son rôle d’administrateur de l’économie de propriété étatique. Elle était forcée épisodiquement de défendre les formes de propriété ouvrière de la restauration capitaliste et de réprimer les éléments pro capitalistes au sein de ses propres rangs pour sauvegarder ses privilèges. Avec l’échec du putsch d’août, l’appareil stalinien profondément divisé et complètement démoralisé s’est effondré lorsque les forces ouvertement engagées à détruire les fondements économiques posés par la Révolution d’octobre ont saisi le pouvoir.

Le succès des putschistes aurait représenté un obstacle, quoique temporaire et infime, à la victoire des restaurateurs capitalistes qui exercent maintenant le pouvoir. Il était donc le devoir de tous ceux qui défendaient l’Union soviétique contre la restauration capitaliste de soutenir les dirigeants putschistes contre Eltsine, sans toutefois leur offrir un appui politique quelconque. Cependant, à notre connaissance, toutes les autres tendances qui se réclament du trotskysme ont échoué lors de cette dernière épreuve du défensisme soviétique. La plupart d’entre elles se sont rangées avec les forces rassemblées autour d’Eltsine au nom de la démocratie. Les autres sont restés neutres. Afin d’excuser leur abandon, beaucoup de ces groupes trouvent l’expédient maintenant de minimiser la signification de la victoire d’Eltsine en août. Nous examinerons les réponses au putsch de trois des organisations pseudo-trotskystes: le Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale, le groupe Workers Power (Pouvoir Ouvrier) (Grande Bretagne) et la Spartacist League (E.U.).

Secrétariat Unifié: « personne ici sauf nous les démocrates »

Depuis trente ans, le Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale, dirigé par Ernest Mandel, s’est spécialisé dans la déformation et la vulgarisation du programme révolutionnaire de Trotsky afin de l’adapter à la dernière mode politique de gauche. Leur recherche d’un raccourci à « l’influence de masse » les a mené d’un appui aux staliniens insurrectionnels comme Castro et Ho Chi Minh dans les années 1960, à l’éloge enthousiaste pour l’anti-communisme viscéral de Solidarnosc polonais une décennie plus tard. Lorsque les vents politiques prévalents ont passé vers la droite pendant la dernière décennie et demie, le Secrétariat Unifié a essayé de trouver une niche sur les franges de la social-démocratie. Il n’est guère étonnant alors que, pendant le putsch d’août, Mandel et ses disciples se sont rangés du côté de quelques milliers de libéraux capitalistes-restaurationnistes et de profiteurs qui se sont ralliés à la Maison Blanche d’Eltsine. De pair avec l’entière bourgeoisie internationale, le Secrétariat Unifié a applaudi la victoire du président russe sur le Comité d’État pour l’état d’urgence (GKChP) comme étant un triomphe pour la « démocratie ». Un affilié américain du Secrétariat Unifié, la Fourth Internationalist Tendency, avait écrit, « La défaite du putsch constitue une victoire véritable pour les peuples soviétiques » (Bulletin in Defense of Marxism, octobre 1991). Un autre groupe américain affilié au Secrétariat Unifié a vu les foules eltsiniennes comme le reflet d’un « soulèvement populaire » avec « peu de précédents depuis le temps de la révolution russe de 1917, dirigée par V.I. Lénine et Léon Trotsky » (Socialist Action, septembre 1991). Mandel lui-même a écrit:

« [les putschistes] ont voulu limiter sévèrement ou même supprimer les libertés démocratiques qui existaient réellement….C’est pourquoi il fallait s’opposer au putsch par tous les moyens disponibles. Et c’est pourquoi nous devons saluer l’échec du putsch ».
International Viewpoint, le 3 février, 1992 [notre traduction]

Le critère le plus élevé de Mandel, comme tout bon kautskyste, est la « démocratie » abstraite. Les contre-révolutionnaires au Kremlin et leurs partisans internationaux du FMI ne partagent guère ses craintes vis à vis de telles libertés. Les mesures d’austérité brutale exigées par la restauration capitaliste seront imposées aux masses soviétiques avec les baïonnettes, non pas avec les discours électoraux et les poignées de main du jour du scrutin.

Les marxistes savent que la démocratie bourgeoise a un contenu de classe. La véritable inégalité sociale entre bourgeois et prolétaire, entre le mendiant sans abri et le président de General Motors, n’est pas éliminée mais est plutôt masquée par l’égalité formelle des droits. Les institutions parlementaires jouent un rôle important dans la légitimation du règne de la bourgeoisie en cachant les politiques de classe des gouvernements bourgeois derrière une façade de consentement populaire. La classe ouvrière doit défendre les libertés démocratiques dans la société capitaliste contre toute tentative de les réduire ou les suspendre. Toutefois, les conquêtes de la Révolution d’octobre pèsent plus lourdement que la démocratie bourgeoise dans les balances du progrès humain. L’abolition de la propriété privée sur un sixième de la surface de la terre et le remplacement de l’anarchie du marché par la planification économique étaient les fondements sociaux sur lesquels la démocratie aurait pu devenir réelle pour les millions de gens qui ne possèdent ni fabriques, ni banques ni empires de télécommunications. Les « démocrates » impérialistes hypocrites détestaient les staliniens non parce qu’ils ont destitué les travailleurs soviétiques, mais parce que leur règne dépendait de la survie des gains réalisés par le prolétariat russe en 1917. Dans les mots de Trotsky:

« Nous ne devons pas perdre de vue pour un seul moment le fait que la question du renversement de la bureaucratie soviétique est pour nous subordonnée à la question de la préservation de la propriété étatique des moyens de production en URSS… ».
— Léon Trotsky, Défense du marxisme

Le Secrétariat Unifié sur les barricades d’Eltsine: arrière-garde de la contre-révolution?

Les barricades d’août ont formé une ligne de division entre ceux voués à la restauration capitaliste et ceux qui ont voulu ralentir la vitesse des réformes du marché et de préserver, au moins pour un certain temps, le statut quo social et économique. Les sociaux-démocrates, les libéraux et tout ceux qui favorisaient ouvertement la restauration capitaliste avaient peu de difficulté à saisir la signification du putsch et de sa défaite. Les pseudo-trotskystes, cependant, doivent falsifier la réalité afin de justifier l’abandon du défensisme soviétique et leur prostitution devant l’opinion publique libérale de gauche. Il est donc extrêmement important pour le Secrétariat Unifié de « prouver » qu’il n’y avait aucune différence fondamentale entre les conspirateurs putschistes et les eltsiniens. Nat Weinstein, écrivit dans le journal Socialist Action de septembre 1991:

« Dans la mesure où il existait des divisions entre ceux au pouvoir au sein de l’État et du gouvernement—de Gorbatchev, aux organisateurs du putsch, à Boris Eltsine et à Edouard Shevardnadze—elle n’est pas entre ceux qui défendent la démocratie basée sur un marché capitaliste d’un côté, et ‘les communistes durs qui défendent le socialisme’ de l’autre ». [notre traduction]

Les dirigeants putschistes n’étaient certainement pas « les communistes durs qui défendent le socialisme », ils étaient des bureaucrates staliniens essayant de maintenir le pouvoir et les prérogatives de l’appareil central, qui dépendaient de l’existence d’une économie de propriété étatique, contre les forces qui se sont ouvertement prononcées en faveur du capitalisme. Si le putsch n’a pas opposé les restaurationnistes contre ceux qui résistaient à la restauration, quel, selon Weinstein, était l’objet de la lutte entre les fractions rivales? Il continue:

« Tous les courants principaux de l’appareil d’État… appuient la réintroduction du capitalisme. La différence fondamentale entre eux est s’il était possible de continuer le processus de la restauration capitaliste par les moyens politiques, ou si une dictature d’une main de fer était nécessaire pour imposer les mesures anti-ouvrières requises ».

Il n’est pas difficile de voir où ce raisonnement conduit. Si les eltsiniens et les dirigeants du putsch étaient également en faveur du capitalisme, et ont différé seulement sur les moyens politiques favorisés, la classe ouvrière doit préférer la victoire de la fraction qui cherchait à restaurer le capitalisme par les méthodes moins répressives. Ceci, comme nous verrons, est le seul argument logique offert par les soi-disant trotskystes qui ont refusé de faire bloc avec les dirigeants putschistes. Seulement sa prémisse fondamentale—que les buts des putschistes et de leurs adversaires étaient les mêmes—est fausse.

Ernest Mandel est d’accord avec Weinstein qu’Eltsine représente une aile de la bureaucratie soviétique, mais doute que soit le président russe, soit les dirigeants putschistes, voulaient ou auraient pu restaurer le capitalisme:

« La bureaucratie soviétique est trop vaste, ses réseaux sociaux trop forts, le tissu de l’inertie, de la routine, de l’obstruction et du sabotage sur lequel elle se repose est trop dense pour qu’elle puisse être décisivement affaiblie par les actions d’en haut….

« Eltsine, aussi bien, sinon plus que Gorbatchev, représente une fraction au niveau du sommet de la nomenklatura. Eltsine, par tout son passé et son éducation, est un homme de l’appareil. Ses dons en tant que démagogue populiste ne permettent pas la modification de ce jugement… ».

Les gens diront que, à l’encontre de Gorbatchev, qui continue en quelque sorte de s’appeler socialiste, Eltsine s’est ouvertement prononcé en faveur de la restauration capitaliste. Ceci est vrai. Mais les professions de foi ne sont pas suffisantes pour nous permettre de former une évaluation des politiciens. Nous devons regarder ce qui arrive en pratique et quels intérêts sociaux ils servent.

« De ce point de vue, Eltsine et ses alliés dans la liquidation de l’URSS… représentent une fraction de la nomenklatura distincte des forces bourgeoises proprement dites… mais ils peuvent se recouper sur les marges ».
International Viewpoint, le 3 février, 1992

Ainsi Weinstein, d’une part, argumente que la bureaucratie soviétique entière est vouée à la restauration du capitalisme, tandis que Mandel, de l’autre, est sceptique quant à la possibilité qu’une aile quelconque de la bureaucratie, y compris les éléments eltsiniens les plus droitiers, a la volonté ou le pouvoir de faire ainsi. Ces deux évaluations de la bureaucratie soviétique sont si diamétralement opposées, qu’elles donneraient lieu à de luttes vives dans toute organisation qui prend de telles questions sérieusement. Si, en fait, Weinstein et Mandel continuent d’habiter heureusement ensemble sous le même toit politique, c’est seulement parce que leurs différences apparentes cachent un dénominateur commun beaucoup plus significatif.

Mandel et Weinstein s’accordent que le putsch d’août et son dénouement ne pose pas la question de la survie de l’État ouvrier soviétique. Ils s’accordent que la principale différence politique d’Eltsine avec le Comité d’État pour l’état d’urgence (GKChP) était qu’Eltsine a voulu préserver les libertés démocratiques. Ainsi, à partir de suppositions opposées concernant la nature et la direction de la bureaucratie soviétique, Weinstein et Mandel arrivent à la même conclusion pratique: l’appui au camp « démocratique » d’Eltsine. Cette conclusion pratique, par heureuse coïncidence, situe le Secrétariat Unifié du bon côté de l’opinion publique de gauche libérale et social-démocrate. Pour les opportunistes, l’analyse de la réalité objective fonctionne non en tant que guide à l’action, mais comme une justification pour les raccourcis programmatiques. Quelle justification on choisit est une affaire de moindre importance pourvu que la valeur monétaire reste la même.

Eltsiniens et putschistes: un conflit d’intérêt?

Comme toutes justifications, celles de Weinstein et de Mandel contiennent des éléments de la vérité accentués afin de falsifier le portrait plus large. Il est vrai, comme Weinstein dirait, que le Comité d’État, à l’encontre des staliniens soviétiques dans le passé, n’a pas cherché à justifier ses actions avec la rhétorique du socialisme. Ni peut-on nier que l’attitude envers la propriété collectivisée exprimée dans leurs déclarations publiques était ambiguë: d’une part, ils ont exprimé leurs craintes du péril croissant au « mécanisme économique national intégral qui se forme depuis des décennies », et à l’égard de l’offensive qui était « entamée contre les droits du peuple travailleur, à l’éducation, à la santé, au logement et au loisir » (New York Times, le 19 août 1991). Mais d’autre part, ils se sont engagés à respecter les formes différentes de la propriété qui avaient pu croître en Union soviétique, y compris la propriété privée, et de continuer dans la voie de la perestroïka.

Cette attitude équivoque est expliquée par le fait que les putschistes manquaient de perspective historique positive. Très peu d’entre eux, de toute probabilité, croyaient dans la supériorité de la propriété socialisée, voir même dans « le socialisme ». Écrivant au début des années 1930, Trotsky a décrit la bureaucratie stalinienne comme un ramassis de tout; la bureaucratie a couru la gamme allant d’opportunistes absolument cyniques qui trahiraient l’État soviétique à la première occasion à de sincères révolutionnaires; en passant par des fascistes comme Butenko jusqu’aux internationalistes prolétariens comme Ignace Reiss. Les années de Brejnev, toutefois, ont vu l’érosion de toute conviction socialiste que la bureaucratie retenait. Lorsque l’économie soviétique a perdu sa force d’impulsion, la complaisance, le cynisme et la corruption ont pénétré l’appareil à tous les niveaux. Cette corrosion était personnifiée par Brejnev lui-même, avec son penchant notoire pour l’accumulation des datchas chics et des autos étrangères de luxe. La seule conviction idéologique qui motivait les « durs » était le patriotisme soviétique: un engagement à maintenir la position de l’URSS en tant que puissance mondiale. Ce « patriotisme » explique le caractère indéniablement hétérogène de l’opposition à Eltsine, et l’affinité curieuse entre les hommes de vielle garde de l’appareil et les antisémites tsaristes: pour les deux le maintien d’un État russe fort est bien plus important que les rapports de propriété qui le soutiennent.

Mais une analyse marxiste de la caste gouvernante soviétique ne se base pas principalement sur ce que pensent les bureaucrates, et encore moins sur ce qu’ils disent en public. La clef à expliquer la conduite politique de différentes classes et couches sociales se trouve dans leur position sociale objective et les intérêts matériaux qui en découlent. A l’encontre de la bourgeoisie, la bureaucratie soviétique n’était jamais un groupe propriétaire. En août 1991, comme à la hauteur du pouvoir de Staline, ses privilèges ont découlé de son rôle comme gardien de l’économie centralement administrée de la propriété étatique. Lorsque le pouvoir central tombait sous l’attaque de nationalités rebelles, de bureaucrates en rupture et les profiteurs du marché libre, il était naturel que quelques secteurs de l’État central et de l’appareil du Parti voulaient tenter de réaffirmer leurs prérogatives. Ceci était la signification de la lutte pour le pouvoir au sein du Parti qui a précédé le putsch d’août, et de la tentative du putsch lui-même.

Ce qui exige une explication n’est pas le fait qu’une section de la bureaucratie stalinienne a offert une résistance, mais qu’elle s’est permis d’être renversée sans résistance dans la plupart des pays de l’Europe de l’est, et que le contre-coup tenté par la nomenklatura soviétique, lorsqu’il est finalement venu, était si attardé, irrésolu et pathétique. La sclérose du stalinisme était en effet bien plus avancée qu’on avait pensé antérieurement à 1989.

Le statut quo, que la « bande de huit » cherchait à préserver, incluait quelque chose de plus valable aux travailleurs soviétiques et aux travailleurs du monde que mille constitutions ou parlements: la propriété publique des moyens de production. Personne n’aura pu savoir le matin du 19 août que les barricades érigées pour la défense du statut quo se prouveraient aussi éphémères qu’elles l’ont été. Mais comme nous avons écrit à la veille du putsch:

« Il est possible que quelques secteurs dirigeants de la bureaucratie tenteront à un moment futur d’arrêter le processus de la restauration capitaliste. Si cela arrive, il serait de notre devoir de nous ranger militairement du côté des ‘conservateurs’ contre les eltsiniens. La caste stalinienne est incapable de résoudre les problèmes qui ont donné lieu aux réformes en premier lieu, mais appliquer les freins permettra au moins de gagner quelque temps ».
1917, no 10, édition anglaise

Ernest Mandel, qui avec un air complaisant nous assure que la bureaucratie stalinienne est toujours au pouvoir, renforce son argument avec certains fragments de la vérité. Eltsine était certes un homme de l’appareil, d’abord en gagnant la notoriété nationale comme chef du Parti dans la ville de Sverdlovsk (aujourd’hui, comme à l’époque tsariste, Ekaterinenbourg), et par la suite il est devenu le chef du Parti à Moscou. Un homme impertinent avec une opinion très élevée de lui-même, Eltsine s’est révolté contre la discipline autocratique du Parti imposée par Gorbatchev, et a publiquement critiqué le président du Parti de ne pas avoir porté la glasnost et la perestroïka assez loin. La rupture d’Eltsine avec Gorbatchev a définitivement conduit à son renvoi comme dirigeant du Part de Moscou et son expulsion du Politburo. Il a subséquemment répudié le Parti communiste complètement.

Eltsine a survécu politiquement seulement parce que sa réputation comme critique le plus saillant de Gorbatchev lui a permis de devenir porte-parole des forces politiques en dehors du Parti. Eltsine a été élu président de la République russe contre le Parti en tant que champion de ces éléments, en Russie et en URSS dans son ensemble, qui ont cherché à détruire le monopole politique du PCUS. Lorsqu’il est monté sur un char d’assaut à l’extérieur de sa Maison Blanche pour confronter les putschistes, il a parlé comme le représentant du capital étranger, des séparatistes nationaux et la pègre de Moscou, les spéculateurs et autres « entrepreneurs » qui, avec les gardes de sécurité privée, constituaient la masse de la foule ralliée à son appui. Mandel peut présenter Eltsine comme « l’homme de l’appareil » seulement en ignorant sa défection au camp de l’ennemi de classe.

La « privatisation spontanée » et la nomenklatura

L’assertion de Mandel que la bureaucratie reste au pouvoir contient un certain élément de vérité. Les millions d’individus qui constituaient la nomenklatura n’ont pas disparu et beaucoup d’entre eux n’ont même pas perdu leurs emplois. Le président ukrainien, Léonid Kravchuk, et sa contrepartie Kazakh, Nursultan Nazarbayev, sont des chefs des partis staliniens qui sont devenus des nationalistes fervents seulement après août. Il n’est pas étonnant que les restants du vieux régime, et les bas échelons bureaucratiques sur lesquels ils dépendent, font une course pour les postes d’influence dans le nouvel ordre politique et économique. Si une classe capitaliste pleinement développée, armée d’un code légal et d’un appareil répressif d’État pour protéger la propriété privée, était un préalable à la restauration capitaliste, le capitalisme ne pourrait jamais être rétabli dans aucune économie collectivisée.

Le New York Times du 27 décembre 1991 a cité Graham Allison, un soviétologue d’Harvard, sur le nouveau rôle joué par beaucoup de directeurs des entreprises étatiques:

« ‘Vous êtes le directeur d’une entreprise d’État, disons une compagnie aéronautique avec 10 000 employés, et vous commencez à imaginer qu’il n’y a personne au-dessus de vous,’ il a dit. ‘Vous n’obtenez pas les ordres, et votre ministère a depuis disparu. Vous commencez à imaginer que la propriété est la vôtre, et étant donné que vous n’obtenez plus d’approvisionnements vous devez vous préoccuper de votre sort ainsi que celui de vos employés. Quelquefois vous trouvez un étranger qui achèterait la moitié de l’opération dans une entreprise commune. Cela est la privatisation spontanée’ ». [notre traduction]

L’International Viewpoint (20 janvier) du Secrétariat Unifié contient une entrevue remarquable avec l’académicien Yuri Marenich, un délégué au Conseil (Soviet) des Députés du Peuple de Moscou. Marenich décrit le processus par lequel les autorités eltsiniennes locales se sont appropriées de beaucoup d’immeubles et autres propriétés publiques:

« Ils ont tenu leurs campagnes électorales sous le mot d’ordre: ‘ayant gagné le pouvoir, nous voulons monopoliser la propriété et gérer l’économie par l’entremise du marché. Mais ayant obtenu le pouvoir de gérer la propriété publique, ils se sont trouvés face à une tentation terrible d’approprier cette propriété pour eux-mêmes. Ceci était facilité par la possibilité de combiner les emplois dans les institutions gouvernementales avec les postes dans les entreprises privées traitant avec le gouvernement.

« En bref, ceux en charge de surveiller la privatisation ont simplement transféré la propriété du district aux compagnies qu’ils dirigent eux-mêmes.

« Tous les membres du comité exécutif soviétique ont mis sur pied des compagnies privées qu’ils dirigent. Une entreprise a pris en charge les services d’information soviétiques; une autre ses services légaux, une troisième a pris en charge tout l’immeuble, ses droits de vente et de location sur le territoire du district.

« II est très simple. Depuis les années 1930, nous avons eu un système de transfert de la propriété sans paiement. Car l’agence gérait toute la propriété d’État et les transferts s’effectuaient d’une agence de l’État ou d’une entreprise d’État à une autre. Toutes les parties agissaient au nom d’un seul propriétaire, l’État. Maintenant, par contre, nous avons aussi des propriétaires privés. Mais ils se sont servis de la même procédure afin de transférer l’immeuble soviétique du district, par l’entremise d’une agence d’État, à une compagnie privée ». [notre traduction]

Marenich considère qu’un modèle semblable est en train d’être reproduit partout à travers le pays. Beaucoup de la vielle nomenklatura va probablement trouver une place comme membres d’une nouvelle classe capitaliste post-soviétique. Ceux qui remplacent les hommes de l’appareil stalinien vont sans doute pour une période continuer d’opérer les mécanismes de la propriété publique.

La réimposition du capitalisme doit évidemment arriver comme le résultat d’un processus dans lequel les éléments de la continuité avec les modes antérieurs de la vie sociale et économique survivraient, lorsqu’une bourgeoisie indigène est formée des fragments d’autres classes et couches. De puissantes forces centrifuges étaient au travail dans l’économie soviétiques plusieurs années avant le triomphe d’Eltsine en août. Mais l’importance accordée par Mandel aux éléments de la continuité obscurcit le fait que la défaite du putsch a marqué un changement qualitatif. Aussi longtemps que le centre à Moscou a pu exercer une autorité administrative sur l’économie, les bureaucrates locaux et régionaux ont été obligés de travailler à l’intérieur (ou autour) du cadre fourni d’en haut; leur appétit pour les prérogatives des propriétaires rencontrait une contrainte objective. Seulement après que le pouvoir central était définitivement cassé en août ils étaient libres d’embarquer sur la voie de la « privatisation spontanée ». Les événements d’août ont sonné le glas de mort pour l’État ouvrier soviétique. Toutes les assurances de Mandel et Weinstein que rien de fondamental n’a changé n’étaient, à la limite, qu’une tentative d’éviter la responsabilité d’avoir pris position en faveur de la contre-révolution.

Workers Power: défensiste en paroles, eltsinien en action

Les pseudo-trotskystes du groupe Workers Power (Grande Bretagne) et ses associés de la Ligue pour une Internationale communiste révolutionnaire (LICR) sont néanmoins plus sincères que le Secrétariat Unifié à reconnaître la signification du putsch avorté. Peu disposé au départ d’admettre que l’État ouvrier soviétique a rencontré sa fin en août, ils ont initialement décrit la situation de l’après putsch comme une situation de « double pouvoir », dans laquelle Gorbatchev, en tant que représentant de la bureaucratie, a continué de lutter pour l’autorité de l’État contre les restaurateurs eltsiniens. Quand, toutefois, « le pôle Gorbatchev » a coulé avec une touche du doigt d’Eltsine en décembre, Workers Power a finalement reconnu la réalité et a concédé que « L’Union soviétique est morte. Le spectre qui a hanté les capitalistes pendant soixante-dix ans a été enterré » (Workers Power, janvier 1992).

Workers Power voit également un lien entre la mort de l’État ouvrier soviétique et la victoire du contre putsch d’Eltsine en août. Une déclaration de septembre 1991 du Secrétariat International de la LICR affirme que la fraction bureaucratique représentée par le Comité d’Etat (GKChP) « espérait par ses actions du 19 août défendre ses privilèges sur la base des rapports de propriété post-capitalistes » (Workers Power, septembre 1991). La déclaration décrit des forces eltsiniennes en les termes suivants:

« La vielle couche oppositionnelle (démocratique et nationaliste)… a perdu presque tout espoir dans la réforme du ‘socialisme vraiment existant’ et s’est orienté vers la démocratie occidentale et l’économie du marche comme idéaux. Les derniers—les ex-gorbatcheviens-—sont devenue désillusionnés avec le projet utopique du ‘socialisme du marché’ de Gorbatchev, et outragés par les vacillations et les compromis de leur chef avec les conservateurs, ont été attirés au service de l’impérialisme comme les restaurateurs du capitalisme en URSS.

« Que représente cette coalition de forces politiques dirigée par Eltsine? Eltsine, Shevardnadze, et en effet tout l’entourage militaire et politique du président russe, représentent une fraction de la bureaucratie qui a abandonné la défense de ses privilèges de caste et de leur source—l’État ouvrier dégénère—en faveur de devenir les membres des d’une nouvelle classe dirigeante bourgeoise ».

Ainsi, selon le LICR, l’identité des forces combattantes dans la confrontation d’août est claire: d’un côté, une section de la bureaucratie soviétique qui, si seulement pour maintenir ses privilèges, a cherché à défendre l’État ouvrier soviétique; de l’autre côté, une coalition entre nationalistes, l’intelligentsia « démocratique » et les bureaucrates qui cherchaient à détruire l’État ouvrier et à restaurer le capitalisme. Dans cette confrontation, Workers Power n’a pas hésité à prendre position en faveur de… ceux qui cherchaient à détruire l’État ouvrier! Le même numéro de Workers Power a proclamé, « nous devons prendre position pour, et en effet prendre les premiers rangs dans, le combat pour écraser le putsch ». Afin de souligner ce point, le même numéro contient un article intitulé « Leur chanson est terminée », qui dénonce les partisans de gauche des putschistes. Advenant que quelqu’un doute du sérieux de la LICR sur cette question, elle a récemment rompu tout lien avec un petit groupe en Californie qui s’appelle la Revolutionary Trotskyist Tendency pour son refus de soutenir les eltsiniens contre le Comité d’État.

Par quels miracles de contorsion idéologique la LICR peut accommoder cette trahison avec ses prétentions d’être communiste, trotskyste et défenseur soviétique? La déclaration du Secrétariat International de la LICR continue:

« Plusieurs questions importantes sont posées par ces événements. La perspective de révolution politique était-elle irréelle, une perspective utopique? La résistance au putsch conservateur était-elle en soi contre-révolutionnaire? La répression bureaucratique aurait-elle donné à la classe ouvrière un deuxième souffle? La réponse à toutes ces questions est NON!

« Dans quel sens peut-on dire que le Comite d’État pour l’état d’urgence ‘a défendu les rapports de la propriété planifiés’? Seulement en ce sens: qu’il a résisté à l’abolition de ces rapports dans la mesure où ils constituaient l’hôte sur lequel la bureaucratie était parasitaire. Toute fois, ce massif parasite social était la cause principale de la maladie fatale de l’économie centrale bureaucratiquement planifiée, et de la désillusion conséquente des masses en elle.

« A travers leur dictature totalitaire, les staliniens étaient aussi un obstacle absolu à l’activité propre et la conscience en soi du prolétariat et à sa capacité de former une nouvelle avant-garde, qui seule aura pu non simplement préservé mais aura renouvelé les ‘gains d’octobre’ ».
Workers Power, septembre 1991

Il est axiomatique pour les trotskystes que les staliniens sont un obstacle à l’activité propre de la classe ouvrière et un parasite sur l’économie planifiée, qu’ils ont ruiné par leur mauvaise gestion, et dernièrement qu’ils se sont prouvés incapables de défendre. C’est pourquoi une révolution politique était nécessaire en URSS: afin d’évincer les staliniens et de préserver l’économie planifiée.

Que Faire?

Même un groupe révolutionnaire relativement petit aura pu avoir un impact important pendant les jours critiques en août, lorsque les putschistes faibles et vacillants ont fait face au ramassis réactionnaire d’Eltsine. La faiblesse et la désorganisation évidente des deux côtés avaient présenté l’occasion d’intervention pour un groupe trotskyste commis à préserver la propriété nationalisée sous la direction d’organes démocratiques du pouvoir ouvrier. L’objectif tactique immédiat en ces premiers jours aurait été d’organiser un assaut afin de disperser les quelques centaines d’eltsiniens légèrement armés dans et autour de la Maison Blanche russe.

Une initiative déterminée contre les contre-révolutionnaires aurait pu gagner un appui large au sein de la classe ouvrière, qui était exaspérée par la perestroïka. Elle aurait aussi été vue sympathiquement par une section considérable des forces armées, et aura pu galvaniser l’appui actif des éléments prosocialistes. Les hommes gris incompétents à la tête du putsch auraient eu peu de choix que d’accepter cette « aide » même si, faite au nom du pouvoir des travailleurs, elle aurait en fin de compte menacé leurs propres intérêts. La dispersion des eltsiniens aura pu être suivi d’un appel aux représentants de chaque usine, caserne et quartier ouvrier de se rassembler à la Maison Blanche et de créer un soviet réel et démocratique de Moscou.

Le succès d’une telle initiative aurait pu être l’étincelle de luttes de masse des travailleurs partout en URSS afin de mettre en déroute les restaurateurs capitalistes. Elle aurait pu également avoir affaibli la mainmise de l’appareil du PCUS. Un bloc militaire avec les putschistes contre Eltsine n’était pas opposé à la lutte pour la démocratie soviétique. De même que le bloc de Lénine avec Kerenski contre le général Kornilov en août 1917 a préparé le renversement du gouvernement provisoire bourgeois, une lutte contre Eltsine, dans laquelle les formations prolétariennes autonomes avaient pointé leurs fusils dans le même sens que les putschistes, auraient renforcé les forces favorables à la révolution politique, et auraient bloqué les efforts par Yanayev, Pugo et Cie de ressusciter leur système de répression politique.

Il n’y a pas de garantie à l’avance qu’un assaut contre Eltsine aurait réussi. Mais même une défaite sanglante aurait été préférable à la capitulation sans combat. Des millions de travailleurs auraient été exposés au programme trotskyste. La tentative de vaincre la restauration capitaliste et de combattre pour le pouvoir des travailleurs resterait comme un exemple et comme un point central important du débat dans la conscience développante de la classe ouvrière russe. Dans les circonstances réelles, la défaite était loin d’être inévitable. L’intervention d’un petit groupe cohésif, armé d’une orientation politique correcte aurait pu renverser l’équilibre contre la contre-révolution.

Malheureusement la classe ouvrière soviétique n’a pas joué un rôle politique indépendant. La lutte pour le pouvoir était entre les parasites staliniens qui ont cherché à préserver leur hôte et les restaurateurs eltsiniens qui ont cherché à le détruire. Workers Power se plaint que les staliniens défendent la propriété collectivisée « seulement » en tant que parasite. Mais le petit mot « seulement » obscurcit une convergence d’intérêts qui, pendant ces trois jours d’août, était une question de vie et de mort pour l’État ouvrier soviétique. Un parasite ne peut pas exister sans sa hôte, et donc a un intérêt particulier dans sa préservation. Si, à l’heure du danger mortel, le parasite est armé et l’hôte n’est pas, la survie de l’hôte dépend de la victoire du parasite. Que les staliniens ont ruiné l’économie planifiée et ne pouvaient pas être compter dessus pour la défendre à l’avenir ne change en rien le fait que, en essayant de préserver le statu quo, leurs buts, pour le moment, avaient coïncidé avec les intérêts de la classe ouvrière. Lorsque Trotsky a parlé de la défense inconditionnelle de l’Union soviétique, il n’a pas voulu dire que la Quatrième Internationale devait défendre l’URSS seulement si les staliniens avaient cessé d’exercer le pouvoir, ou étaient devenus plus compétents ou plus purs d’esprit.

Eltsine était le plus grand danger

Workers Power a effectué un bloc avec les eltsiniens parce qu’il considère que les staliniens constituaient un plus grand ennemi de la classe ouvrière que les restaurateurs capitalistes. Cette position est articulée dans le numéro de Workers Power de septembre 1991:

« La seule force capable de défendre la propriété étatique… est la classe ouvrière. Et elle ne peut pas agir lorsque ses grèves sont interdites, lorsqu’elle est assujettie aux couvre-feux, à la censure et aux interdictions politiques. Il est de loin mieux que les organisations ouvrières naissantes de l’URSS apprennent à nager contre le courant de la restauration bureaucratique que d’être entassées dans ‘l’espace à respirer’ d’une cellule de prison ».

L’espace à respirer « démocratique » si cher à Workers Power ne durera probablement pas très longtemps sous Eltsine, comme admet Workers Power lui-même: « Une fois installée au pouvoir et cherchant à cristalliser une nouvelle classe des exploiteurs, même les droits bourgeois démocratiques pleins et consistants pour les masses deviendront intolérables » (Ibid.). Ainsi la seule différence entre les staliniens et les eltsiniens à l’égard des libertés démocratiques est dans le temps exigée pour leur abolition. Les staliniens, s’ils avaient remporté la victoire, auraient eu recours contre les travailleurs à un État policier déjà existant. Les eltsiniens, d’autre part, ont besoin d’un peu plus de temps afin de consolider un appareil répressif et ne peuvent pas encore se débarrasser de tant de libertés démocratiques.

Workers Power concède que la restauration capitaliste signifie, « la pauvreté, les prix élevés, le chômage, le travail dur, l’oppression sociale et la menace de guerre » (Workers Power, janvier 1992), et « une expropriation sans précédent historique des ‘fruits du travail’ des travailleurs urbains et ruraux » (Workers Power, décembre 1991). Est-ce que la répression politique stalinienne est plus nuisible à la classe ouvrière comme une force de lutte que le chaos social et la destitution de masse de la restauration capitaliste? Afin de justifier sa décision d’appuyer Eltsine contre les conspirateurs putschistes Workers Power doit répondre dans l’affirmatif. Mais une telle réponse sera en contradiction flagrante avec le corps entier des écrits de Trotsky sur la question russe. Trotsky a insisté que la lutte pour renverser l’oligarchie stalinienne n’était pas opposée à, mais plutôt basée sur (et en dernière analyse subordonnée à), la défense de la propriété collectivisée. C’est pourquoi Workers Power, qui se présente comme une tendance trotskyste orthodoxe, ne peut pas ouvertement déclarer sa position réelle: que la défense des acquis sociaux de la révolution russe était subordonnée au renversement de la bureaucratie stalinienne. Mais sa position sur les événements d’août ne permet aucune autre conclusion.

Trotsky a défini le centrisme comme un courant révolutionnaire en parole et réformiste en action. Workers Power fournit un exemple chimiquement pur de ce phénomène. Tandis qu’ils analysent fréquemment les événements et les forces politiques assez justement, leur impulsion opportuniste de tailler leur politique à l’opinion publique radicale et social-démocrate les empêche de traduire cette analyse en un programme d’action, et souvent les oblige à accepter des conclusions pratiques qui contredisent leur propre raisonnement. Ils n’ont pas encore appris d’Ernest Mandel et du Secrétariat Unifié que la brèche entre la théorie opportuniste et son exercice peut seulement être médiatisée par des représentations fausses de la réalité. Afin de fermer cette brèche le Secrétariat Unifié affirme qu’il n’y avait pas de divergences réelles entre les eltsiniens et le Comité d’État pour l’état d’urgence par rapport aux formes de propriété—seulement si les méthodes utilisées soient démocratiques ou autoritaires. Le groupe Workers Power, par contre, admet que les deux camps rivaux représentaient des formes de propriété objectivement opposées, mais choisit de s’allier avec Eltsine malgré tout, et cherche à résoudre cette contradiction avec une série de non sequiturs « orthodoxes ».

Les Spartacistes: « ni le Comité d’État, ni Eltsine »

La Spartacist League des E.U., dirigée par James Robertson, de pair avec ses satellites d’outremers de la Ligue communiste internationale (LCI), a depuis longtemps affirmé que, seule de tous les groupes soi-disant trotskystes sur la planète, seulement elle défendait vraiment l’Union soviétique. Mais cette prétention met en contraste leur confusion absolue sur la victoire de la contre-révolution d’Eltsine. Le numéro de janvier/février 1992 de Workers Hammer, la publication de la section britannique de la LCI, contient un échange avec Gerry Downing de la Revolutionary Internationalist League (RIL) intitulé « RIL: ni le Comité d’État, ni Eltsine », qui châtie la RIL d’être restée neutre lors du putsch:

« Pour la RIL il n’y a pas de différence entre l’aile de la bureaucratie d’une part et l’aile de l’impérialisme mondial et le restaurationnisme capitaliste d’autre part. Et bien entendu si le stalinisme équivaut à l’impérialisme, alors la possibilité d’un bloc militaire avec une section de la bureaucratie contre les restaurateurs capitalistes est nécessairement exclue, car par son raisonnement ceci équivaut à un bloc contre la restauration capitaliste avec les ‘capitalistes-restaurationnistes’ ». [notre traduction]

On ne peut guère soupçonner que la LCI, comme les centristes qu’elle réprimande, refusait également de choisir un côté lors du putsch. Si Workers Hammer veut polémiquer contre la neutralité, nous suggérons qu’il commence avec sa publication américaine soeur, Workers Vanguard, qui a répondu au putsch dans son édition du 30 août 1991 comme suit:

« Jusqu’au moment du putsch, beaucoup de travailleurs les plus avancés, qui se sont opposés aux plans d’Eltsine pour la privatisation complète et les réformes de marché de Gorbatchev, ont mis leurs espoirs dans l’aile ‘patriotique’ des soi-disant durs de la bureaucratie. Il n’y a plus de place pour de telles illusions

« … le programme avoué (des putschistes) était la loi martiale afin de sauvegarder l’intégrité territoriale de l’URSS, qui se réduit à la perestroïka moins la glasnost: L’introduction du marché mais pas si vite, et taisez-vous….

« Pendant le putsch, le Conseil des travailleurs de Moscou a lancé un appel pour: ‘former les milices ouvrières pour la préservation de la propriété socialisée, pour la préservation de l’ordre social dans les rues de nos villes, pour l’autorité de la mise en oeuvre des ordres et des instructions du Comite d’État pour l’état d’urgence’. Il n’y avait pas un mot critique envers le GKChP (le Comité d’État). Un appel aux milices ouvrières pour briser les manifestations eltsiniennes contre-révolutionnaires était certainement dans l’ordre. Mais si le Comité d’État avait consolidé le pouvoir, il aurait tenté de dissoudre de telles milices ouvrières, qui autrement auraient inévitablement et rapidement échappé à son contrôle politique ». [notre traduction]

Les efforts prodiges d’exégèse sont exigés afin d’interpréter les passages cités d’hauts comme suggérant autre chose que « ni le Comité d’État, ni Eltsine ». Et aucune quantité de fariboles ne peut couvrir le fait que les arguments spartacistes ressemblent de près à ceux des mandéliens, à savoir qu’il n’y avait aucun conflit essentiel entre Eltsine et le Comité d’État. Comme Mandel, les spartacistes cherchent à rationaliser leur refus de prendre part en affirmant que le putsch ’a pas changé le caractère de classe de l’État. Pour la LCI, l’État soviétique existe encore et Boris Eltsine même aujourd’hui préside sur un État ouvrier dégénéré.

Toutefois, à l’encontre des mandéliens, les spartacistes ne peuvent pas simplement revendiquer la position « que les deux camps soient affligés de la peste ». Jusqu’au mois d’août 1991, ils ont souvent enduré l’opprobre de l’ensemble de la gauche conventionnelle pour avoir revendiqué un bloc militaire avec les staliniens contre les forces restaurationnistes. Les spartacistes ont correctement pris position en faveur du régime Jaruzelski dans sa confrontation en 1981 avec les contre-révolutionnaires de Solidarnosc et ont donné un appui militaire aux troupes soviétiques en lutte contre les insurgés réactionnaires, soutenus par l’impérialisme, en Afghanistan. Les spartacistes étaient, en fait, si enthousiastes dans leur appui aux staliniens qu’ils ont commencé à confondre la ligne entre un appui militaire et un appui politique. Leur neutralité en août représente ainsi un départ radical de leurs prétentions tapageuses d’être les derniers, les meilleurs défenseurs de l’État soviétique.

La neutralité avec une mauvaise conscience

Parce que ce tournant n’avait aucune base programmatique réelle, la direction spartaciste a été peu disposée à reconnaître qu’un revirement politique majeur a eu lieu. Ainsi, ils insistent, défiant toute logique et contrairement à leurs propres déclarations, qu’ils n’étaient pas neutres. Ils présentent leur position comme étant parfaitement consistante avec les positions passées, et la défende avec une variété de réserves, de formulations ambiguës et de distorsions des faits. Afin d’obscurcir la ressemblance évidente entre beaucoup de leurs arguments et ceux d’autres pseudo trotskystes centristes et réformistes, les spartacistes doivent augmenter le volume de leurs polémiques. Mais le volume augmenté ne fait que rendre plus intelligibles les sons discordants émanant du quartier général robertsoniste à New York.

Dans la mesure que les spartacistes avancent des arguments cohérents du tout, ils tournent autour de la revendication extrêmement douteuse que le Comité d’État n’a fait aucune tentative pour disperser la foule contre-révolutionnaire rassemblée autour de la Maison Blanche d’Eltsine. Acceptant pour le bénéfice de la discussion que cette affirmation est vraie, elle voudrait dire soit que les chefs putschistes n’étaient pas vraiment en conflit avec Eltsine, soit qu’ils étaient opposés à Eltsine, mais étaient trop faibles et indécis pour agir contre lui. Les spartacistes ne sont jamais tout à fait clairs quant à laquelle de ces évaluations ils favorisent. Leur affirmation répétée que la tentative de saisir le pouvoir par le Comité d’État représentait un « putsch de la perestroïka » indique le premier. Leur caractérisation du putsch comme « pathétique », et de ses chefs comme « la bande de huit qui ne pu pas tirer droit », d’autre part, penche vers le dernier. Dans les deux cas, cependant, la conclusion nous amène vers un embrouillement désespère de contradictions.

Comment, par exemple, l’affirmation que tous les deux, Eltsine et le Comité d’État, étaient en faveur de la commercialisation libéralisée puisse être réconciliée avec l’assertion dans le même article que, « Les travailleurs de l’Union soviétique, et en effet les travailleurs du monde entier, ont souffert un désastre sans précédent », et que la défaite du putsch « a libéré une marée contre-révolutionnaire qui a déferlé à travers le pays de la Révolution d’octobre » (Workers Vanguard, le 30 août, 1991). Comment est-ce qu’une marée contre-révolutionnaire a pu être libérée sans qu’un obstacle majeur soit enlevé? Les forces que représentent les chefs putschistes constituaient-elles un tel obstacle? Ou est-ce qu’une marée contre-révolutionnaire semblable auraient été libérée si les putschistes avaient gagné? Dans ce cas, pourquoi leur défaite constituait-elle un « désastre sans précédent » pour la classe ouvrière? Workers Vanguard ne peut pas répondre à ces questions.

L’assertion de Workers Vanguard que le Comité d’État défendait « la perestroïka moins le glasnost » trouve son écho dans les arguments de Weinstein et Mandel. Ils sont tous d’accord qu’Eltsine et les dirigeants putschistes différaient seulement sur la question des droits démocratiques, avec les derniers voulant imposer le capitalisme par les moyens d’une « dictature d’une main de fer ». Un militant spartaciste qui réfléchit un peu se demanderait si les travailleurs soviétiques ne seraient pas en meilleure position de s’organiser contre la restauration avec la glasnost que sans lui. Bien entendu, ceci les mène bientôt au soutien du camp « démocratique » d’Eltsine. A l’encontre du Secrétariat Unifié, Workers Vanguard ne poursuit pas cet argument jusqu’à sa conclusion logique.

Et alors il y a un deuxième ensemble d’arguments pour la neutralité: que le Comité d’État en fait représentait ces éléments de la bureaucratie avec les intérêts en contradiction fondamentale avec ceux du camp d’Eltsine, mais qu’ils étaient trop irrésolus et ineptes pour arrêter les eltsiniens. Nous devons souligner d’abord que ce jugement a été fait avec le bénéfice inestimable de l’arrière-pensée: les événements se sont déroulés si rapidement que le premier article de Workers Vanguard sur le putsch a été publié quelques jours après que son destin avait déjà été décidé. Est-ce que les spartacistes affirment avoir su d’avance que le putsch échouerait si misérablement? Il était longtemps évident que le stalinisme soviétique avait atteint le bout de sa corde, et ne pouvait pas restaurer le statut quo pré-gorbatchevien de toute façon. Mais cette évaluation générale n’était pas suffisante pour mesurer la corrélation exacte des forces le 19 août. Ceci ne pouvait être mis à l’épreuve que dans l’action. Même si une victoire par les chefs putschistes aurait seulement ralenti temporairement la force d’impulsion de la restauration capitaliste, ceci seulement suffit comme base pour un bloc militaire. Les trotskystes ne choisissent pas un côté selon la résolution, la finesse tactique ou la force des camps opposants, mais sur la base de son caractère politique et social. Les putschistes avaient soit un intérêt à arrêter Eltsine ou ils n’ont pas eu. Mais les spartacistes veulent avoir raison dans les deux cas: ils affirment simultanément que le Comité d’État n’a jamais eu l’intention d’arrêter Eltsine en premier lieu et le critique par la suite d’avoir raté son coup.

Les critiques robertsonistes du Comité d’État deviennent même plus bizarres lorsqu’ils condamnent la « bande de huit » de ne pas avoir mobilisé la classe ouvrière contre Eltsine:

« ‘La bande de huit’ non seulement n’a pas mobilisé le prolétariat, elle a ordonné à tout le monde de rester au travail. Cette ‘bande de huit’ était incapable de balayer Eltsine et sa tentative pathétique d’un putsch parce que son action constituait un ‘putsch de la perestroïka’; les putschistes n’ont pas voulu libérer les forces qui auraient pu vaincre les contre-révolutionnaires les plus extrêmes, car ceci aurait pu conduire à une guerre civile si les eltsiniens avaient vraiment résisté ».
Workers Hammer, janvier/février 1992 [notre traduction]

Le même article nous rappelle fièrement la position spartaciste sur Solidarnosc une décennie plus tôt:

« La Pologne en 1981 a posé la même question que l’Union soviétique aujourd’hui, mais dans l’exemple premier les staliniens ont pris des mesures afin de supprimer temporairement la contre-révolution. Face à cette confrontation il nous était impossible d’hésiter ». [notre traduction]

Dans le cas soviétique, les spartacistes tournent l’indécision en un bel art. Mais la comparaison avec la Pologne en 1981 est très appropriée. Nous ne rappelons pas que Jaruzelski ait mobilisé la classe ouvrière polonaise contre Walesa. Les spartacistes semblent oublier que les staliniens au pouvoir mobilisent rarement la classe ouvrière pour des fins politiques parce que l’existence de la caste bureaucratique est basée sur son monopole de pouvoir politique. Rendre l’appui militaire aux staliniens combattant la restauration capitaliste conditionnel au fait qu’ils mobilisent la classe ouvrière équivaut à demander qu’ils cessent d’être staliniens.

Ailleurs dans la même polémique Workers Hammer semble dire qu’il aurait soutenu toutes les mesures que ‘la bande de huit’ aurait prises contre Eltsine:

« Faire appel aux travailleurs de balayer les barricades d’Eltsine signifierait un bloc militaire avec n’importe lequel des forces putschistes qui aurait agi pour écraser la masse contre-révolutionnaire… Contre le troisième campisme de la RIL lors des événements d’août nous avons écrit: ‘dans une lutte armée opposant les restaurateurs capitalistes à l’outrance aux éléments récalcitrants de la bureaucratie, la défense de l’économie collectivisée aurait été placée sur l’ordre du jour peu importe les intentions des staliniens. Les trotskystes seraient entrés dans un bloc militaire avec ‘la section thermidorienne de la bureaucratie contre l’attaque ouverte de la contre-révolution capitaliste,’ comme Trotsky postulait dans le Programme de transition de 1938 ». [notre traduction]

La répression de 1981 par Jaruzelski n’a pas impliqué la lutte armée parce que Solidarnosc n’a offert aucune résistance armée. On imposait la loi martiale à travers une série de mesures policières. Les spartacistes semblent ici suggérer qu’ils auraient fait bloc avec le Comite d’État si ce dernier avait agi plus décisivement pour imposer la loi martiale. Par cette logique, l’appui militaire devient conditionnel à la fermeté et à la souplesse tactique des staliniens à l’opposé de leur caractère social, de leurs buts politiques ou des conséquences objectives de leur victoire ou de leur défaite. Ou, plus précisément, les spartacistes jugent les buts politiques et le caractère social des staliniens « durs » par leur conduite lors du putsch.

La discussion a une qualité circulaire; le Comité d’État n’a pas pris les mesures adéquates contre Eltsine parce qu’il n’avait eu aucune différence fondamentale avec lui. Comment savons-nous qu’il n’avait aucune différence fondamentale? Parce qu’il n’a pas pris les mesures suffisantes. En d’autres mots, oubliez le fait que la majorité de la bureaucratie avait un intérêt objectif dans la préservation de l’État avec lequel elle a dérivé ses privilèges et son prestige; oubliez également toute la lutte interne qui a précédé la tentative du putsch, lorsque Gorbatchev est venu de plus en plus sous attaque pour avoir cédé trop de terrain à Eltsine et les séparatistes des pays baltes; oubliez, en bref, que la tentative du putsch lui-même était un coup dirigé contre les restaurateurs eltsiniens. Les spartacistes traitent les motivations des staliniens comme étant opaques et le putsch comme un événement sans contexte ni arrière fond.

Les putschistes ont-ils poursuivi Eltsine?

L’efficacité des tactiques des dirigeants putschistes est une question d’importance secondaire. Mais le Comité d’État avait-il vraiment tenté d’agir contre Eltsine? Dans les jours suivant la défaite du putsch, les rapports ont commencé à se rendre que la division du commando d’élite du KGB, connue sous le nom du Groupe Alpha (la même unité qui a assassiné le président afghan, Hafizullah Amin, en 1979), a été ordonnée de lancer l’assaut contre la Maison Blanche d’Eltsine, mais a refusé d’obéir à l’ordre. Cette version des événements était rapportée par Eltsine lui-même en premier, et plus tard a été confirmée par les officiers du Groupe Alpha. Les spartacistes ont pris beaucoup de peine afin de contredire ces rapports. Workers Vanguard du 6 décembre 1991 contient un article intitulé « l’Union soviétique: analyse rayon X d’un putsch—pourquoi ils n’ont pas poursuivi Eltsine ». L’article cite une contribution par Robert Cullen dans le New Yorker du 4 novembre 1991 dans le but de remettre en question la version des événements donnée par les officiers impliqués:

« Les entrevues faites après putsch avec le Groupe Alpha, en fait, ont seulement une chose en commun: dans chaque cas, l’officier qui prend la parole essaie de prendre le crédit comme le héros dont son refus d’obéir aux ordres a déjoué le putsch ». [notre traduction]

L’article « Rayon X » de Workers Vanguard compte énormément sur les extraits des interrogations des conspirateurs putschistes après leur arrestation, publiés par la revue allemande Der Spiegel, dans lequel ils nient tous avoir ordonné l’attaque contre la Maison Blanche d’Eltsine. Il est curieux que Workers Vanguard est si sceptique à l’égard des affirmations des officiers du Groupe Alpha mais si crédule envers les dénégations par les conspirateurs putschistes, lorsqu’ils se préparent à un procès dont leurs vies sont en jeu.

Workers Vanguard, de plus, cite de façon très sélective l’article de Cullen du New Yorker. Cullen rapporte au moins une tentative par le Groupe Alpha, soutenue par l’unité spéciale de parachutistes, d’avancer sur la Maison Blanche. La première tentative, selon Cullen, était ruinée lorsque les foules eltsiniennes ont entouré les chars d’assaut qui se mettait en position, et un homme militaire pro-Eltsine, le Général Constantine Kobets, avait rencontré le commandant de l’unité spéciale de parachutistes et l’avait persuadé de ne pas attaquer. Cullen raconte que ce recul n’a pas détourné le Comité d’État d’essayer de monter un deuxième assaut:

« La venue des fuites à la Maison Blanche a suggéré que les conspirateurs essayaient désespérément de trouver des unités à la fois capable de saisir le bâtiment et bien disposé à suivre l’ordre de le faire… ‘Je sais qu’il y avait une petite réunion du groupe au Ministère de la Défense concernant la réalisation du plan pour prendre le bâtiment’ m’a dit Kobets ».

La seconde attaque n’a jamais eu lieu. Cullen ajoute:

« A la suite de cet échec final et concluant, diverses sources ont offert diverses explications pour l’impuissance des conspirateurs… Toutes les explications, quoique égoïstes et contradictoires, avaient un fil commun: l’armée soviétique avait refusé de verser du sang au bénéfice de la conspiration ».

Alors, en fait, l’affirmation des spartacistes que le Comité d’État n’a tenté aucune mesure contre les eltsiniens est démentie par la seule source croyable qu’ils citent afin de soutenir cette thèse.

La victoire d’Eltsine: un triomphe contre-révolutionnaire

Les détails de ce qui s’est produit pendant le putsch sont encore quelque peu sombres. Mais il serait une erreur d’opposer la timidité et l’incompétence des conspirateurs au refus de leurs subordonnés d’obéir aux ordres. Les deux explications sont complémentaires, et non mutuellement exclusives. Les hommes du Comité d’État n’étaient pas les staliniens du moule des années 1930. Leur volonté d’agir était compromise par le fait qu’ils étaient assez démoralisés pour accepter le relâchement inévitabilité de l’autorité centrale et de donner une portée plus large aux forces du marché. Leur différence avec Eltsine était qu’ils favorisaient les « réformes » du marché à l’intérieur du cadre général du règne bureaucratique. Quand ils ont finalement décidé d’agir dans la défense de l’appareil de l’État central assiégé, la bureaucratie était déjà dans un état de décadence si avancé qu’elle ne commandait plus la fidélité absolue des forces armées. Ces facteurs ont nourri l’un et l’autre, conduisant à la débâcle d’août.

Les spartacistes mettent en relief les affinités évidentes entre le Comite d’État et Eltsine pour obscurcir le fait que leur conflit signifiait en fin de compte une lutte pour le destin du pouvoir de l’État soviétique.

L’appareil stalinien, l’épine dorsale du règne bureaucratique, était brisé à tout jamais avec la défaite du putsch. Les spartacistes, qui ont refusé de faire front avec les staliniens dans leur tentative de dernière heure de fermer les « écluses de la contre-révolution », maintenant cherchent à rationaliser ce laps du jugement en affirmant que l’ancienne Union soviétique est toujours un (sévèrement affaibli et gravement menacé) État ouvrier. Les robertsonistes ont simplement affirmé la position que l’ex-Union soviétique reste un État ouvrier sans argumenter sérieusement pour cette position. Aux forums publics et individuellement ils fournissent une série d’explications, souvent contradictoire.

D’abord, ils affirment que le gros de l’économie ex-soviétique n’a pas encore été privatisé et reste formellement entre les mains de l’État. Le capitalisme ne peut pas être restauré par le simple décret du gouvernement. Sa restauration implique le démantèlement des structures, des formes organisationnelles et des habitudes de vie qui ont été bâties au courant des derniers soixante-dix ans. En novembre 1937 Trotsky a remarqué que:

« Dans les premiers mois du gouvernement soviétique le prolétariat régnait sur la base d’une économie bourgeoise…. En cas de triomphe de la contre-révolution bourgeoise en URSS le gouvernement devrait pendant une longue période s’appuyer sur l’économie nationalisée ».

La victoire d’Eltsine, de Kravchuk, etc. était un triomphe pour les forces de la contre-révolution parce qu’elle a signifié que désormais le pouvoir politique serait exercé par ceux qui sont dédiés sans ambiguïté à la restauration de la propriété privée des moyens de production.

Confrontés avec ces arguments, les spartacistes reculent à une position de repli. Eltsine, ils prétendent, dirige un gouvernement procapitaliste, mais n’a pas encore consolidé sa mainmise sur l’appareil d’État. A un forum spartaciste dans la ville de New York en février 1992, beaucoup d’importance a été attribuée au rassemblement de 5 000 officiers militaires au Kremlin en janvier pour protester contre le démembrement des anciennes forces armées soviétiques. Une grande offensive par la classe ouvrière, affirment les spartacistes, pourra scissionner le corps des officiers, avec une section considérable se ralliant aux travailleurs. Un tel développement, ils affirment, signifierait en fait une révolution politique des travailleurs, chose qu’ils revendiquent encore dans leur propagande.

De tels arguments se basent sur les ambiguïtés inévitables de la transition qui se poursuit actuellement. Les régimes qui ont émergé de la destruction de l’URSS ne président pas sur des États capitalistes consolidés, non plus que la Russie, l’Ukraine, etc. ne constituent pas encore des sociétés capitalistes développées. Le pouvoir d’Eltsine est encore fragile, mais ceci ne change pas le fait qu’Eltsine et ses contreparties dans les républiques utilisent leur pouvoir nouvellement acquis pour libérer les forces d’une contre-révolution sociale. L’impérialisme, les millionnaires de la perestroïka et la mafia du marché noir dirigent maintenant les affaires du Kremlin. Beaucoup d’anciens bureaucrates staliniens s’approprient des morceaux énormes de la propriété étatique. Les hommes d’Eltsine détiennent les positions au sommet militaire. Comme Workers Vanguard lui-même a rapporté, la police de Moscou n’a pas hésité à faire couler le sang des manifestants qui revendiquaient le retour du pouvoir soviétique à Moscou en mars. Il y a un an, le Gosplan émettait toujours les directives de planification et les patrouilles conjointes de la police et des militaires étaient dans les rues pour harceler les spéculateurs du marché noir, arrêtant des profiteurs de la perestroïka et confisquant leur propriété. Maintenant le Gosplan n’est plus et les profiteurs et les millionnaires sont au pouvoir.

La contre-révolution sociale est loin d’être pleinement consolidée, mais elle est victorieuse. Un prolétariat résurgent qui lutte pour le pouvoir ferait face aujourd’hui en Russie à beaucoup moins de résistance que dans un État capitaliste développé. Une révolution prolétarienne aura comme tâche de balayer la mafia du marché noir, de supprimer les eltsiniens dans les forces militaires et policières, de renverser la tendance à la privatisation et de restaurer la planification centralisée de l’État. Avec le passage de chaque mois, les tâches confrontant le prolétariat deviennent de plus en plus celles d’une révolution sociale, non celles d’une révolution politique.

Les spartacistes nous accusent de vouloir se débarrasser de toute responsabilité pour la défense de l’URSS en affirmant qu’elle n’existe plus. Ceci est ridicule. La bourgeoisie impérialiste, ici comme ailleurs, agit en pleine connaissance du fait que l’État ouvrier soviétique n’est plus. Les marxistes doivent également reconnaître cette vérité amère. Les travailleurs qui luttent pour renverser la marée de la contre-révolution dans l’ex-Union soviétique voudront bien savoir quand le pouvoir de l’État est passé entre les mains de leurs exploiteurs. Ils voudront aussi savoir où le divers groupes soi-disant trotskystes, qui cherchent à leur offrir une direction politique, se trouvaient à ce moment historique.

Il était une fois… la brigade Yuri Andropov

Les robertsonistes se sont toujours vantés de leur maîtrise de la question russe et de la politique des États ouvriers déformés. Cependant ils ont eu tort de façon conséquente tout au long de la crise terminale du stalinisme. Lorsque les manifestations de masse sont apparues contre le régime stalinien de la République Démocratique d’Allemagne (RDA) à la fin de 1989, ils ont proclamé le début d’une « révolution politique des travailleurs ». Ils ont pensé que la perspective de la réunification provoquerait une résistance prolétarienne suffisante pour diviser le SED (le parti stalinien gouvernant de la RDA), avec une section importante se ralliant du côté du prolétariat dans la défense de la propriété collectivisée. La LCI a jeté d’énormes sommes d’argent (compte tenu de ses ressources) et tout cadre disponible dans son intervention. En janvier 1990, lorsque le SED a accepté la proposition spartaciste pour une mobilisation antifasciste à Treptower Park à Berlin-est, le Chef Incomparable spartaciste James Robertson, est devenu si gonflé par ses illusions de grandeur qu’il a tenté (infructueusement) d’arranger un rencontre avec Gregor Gysi, alors chef du SED.

Mais la révolution politique anticipée n’a jamais eu lieu. Au lieu de lutter contre la réunification, les staliniens sont entrés dans une coalition avec les partis procapitalistes afin d’organiser la liquidation de la RDA. Au moment des élections pour le Volkskammer (le Parlement de la RDA) en mars, la réunification était déjà un fait accompli. Néanmoins les spartacistes se sont accrochés opiniâtrement à l’idée que la révolution politique des travailleurs était en cours, que les travailleurs et les soldats étaient sur le point d’établir des soviets, d’occuper les usines et d’établir le double pouvoir en opposition au faible gouvernement procapitaliste. La direction de la LCI attendait que des centaines de milliers de travailleurs soutiendraient leur campagne électorale et qu’ils se seraient précipités à la direction d’un prolétariat insurgé et prosocialiste. Les résultats étaient un désastre absolu pour les spartacistes, lorsque leurs candidats ont fini loin derrière l’Union allemande des buveurs de la bière.

Le désastre allemand était probablement la cause la plus immédiate du revirement politique qui a conduit les spartacistes à la neutralité lors du putsch d’août. Il était le point culminant d’une période dans laquelle les spartacistes ont démontré une sympathie malsaine pour les régimes staliniens. Les trotskystes ont toujours pris position pour la défense des staliniens contre les attaques impérialistes et la contre-révolution interne, tout en reconnaissant qu’à la longue les États ouvriers dégénérés et déformés ne pouvaient être défendus que par une révolution politique des travailleurs, en écartant les parasites staliniens du pouvoir.

Pendant les années de Reagan, par contre, la direction spartaciste a bien trop souvent traversé la ligne entre la défense militaire et l’appui politique. En 1982 un contingent dans une manifestation antiraciste à Washington a été surnommé la brigade Yuri Andropov, d’après le chef soviétique de l’époque, qui, en 1956, a joué un rôle clé dans la suppression de la révolution des travailleurs hongrois. Quand Andropov est décédé, Workers Vanguard a imprimé un élogieux poème/rubrique nécrologique sur sa page couverture. Un portrait de l’homme fort militaire polonais, le général Jaruzelski, a orné les murs du quartier général spartaciste de New York. Et plutôt que de simplement faire appel pour la victoire militaire des troupes soviétiques en Afghanistan, les spartacistes ont insisté à « saluer » l’intervention du Kremlin.

Avec l’effondrement ignominieux de régimes bureaucratiques partout en Europe de l’est en 1989, toutefois, ce penchant pro-stalinien commençait à devenir une source d’embarras. Quelques mois avant le putsch, Workers Vanguard en entre les eltsiniens et la fraction conservatrice de la bureaucratie (qu’ils ont nommé simplement « les patriotes »):

« Les travailleurs soviétiques doivent rompre avec la division fausse entre ‘démocrates’ et ‘patriotes’, tous les deux sont les produits de la dégénérescence terminale de la bureaucratie stalinienne réactionnaire et parasitaire. Tous les deux sont les ennemis et les oppresseurs de la classe ouvrière dans l’intérêt du capitalisme mondial ».
WV, le 15 mars 1991[notre traduction]

Workers Vanguard n’a jamais mentionné la possibilité que cette « division fausse » aura pu produire une confrontation dans laquelle il serait nécessaire pour les travailleurs de prendre position. Et lorsque cette confrontation a eu lieu en août, les spartacistes ont viré leur tendance antérieure d’appui politique aux régimes staliniens à l’abandon de la tactique trotskyste élémentaire d’un bloc militaire avec les staliniens contre les forces de la contre-révolution ouverte. La neutralité honteuse des robertsonistes en août, et leur refus coïncident à reconnaître le fait que l’État ouvrier soviétique n’était plus suite à la victoire de la contre-révolution d’Eltsine, démontrent le creux de leurs prétentions à la direction révolutionnaire.

Pour la Renaissance de la Quatrième Internationale!

Il y a plus d’un demi-siècle, Trotsky a écrit que la lutte pour la direction prolétarienne est en dernière analyse une lutte pour la survie de la culture humaine. La création d’une nouvelle direction révolutionnaire de la classe ouvrière dépend surtout des efforts conscients des militants révolutionnaires dédiés. Il est donc très important que chaque militant sérieux apprenne les leçons en entier des 74 ans d’histoire de la révolution russe: de sa victoire, de sa dégénérescence et de sa destruction ultime. Les forces du marxisme révolutionnaire aujourd’hui représentent seulement une toute petite minorité. Mais à travers une combinaison de détermination révolutionnaire et de volonté à lutter pour la clarté programmatique, les cadres seront assemblés pour secouer le monde de nouveau. Le regroupement révolutionnaire commence avec l’exposition politique de la confusion, la vacillation et la trahison des divers réformistes, centristes et charlatans qui revendiquent faussement l’héritage du trotskysme. A travers des luttes politiques dures, et un processus de scissions et de fusions, la Quatrième Internationale, parti mondial de la révolution socialiste, sera reconstruite!