Volte-face spartaciste sur Rutskoi

Traduit de 1917, no. 13, édition anglaise, 1994


Au lendemain de la confrontation armée d’octobre 1993 à Moscou, la Spartacist League (SL) a correctement indiqué que «Rutskoi/Khasbulatov et la coalition ‘rouge brune’, infestée de fascistes, qui les appuyait étaient aussi malveillants envers la classe ouvrière qu’Eltsine lui-même». (Workers Vanguard, le 8 octobre 1993). L’article continue:

«La discorde de longue date entre le Kremlin et la Maison Blanche est généralement (et justement) vue comme une tracasserie entre deux fractions cyniques et corrompues. En autant que Rutskoi et Cie sont identifié avec une ligne politique, c’est celle du nationalisme russe extrémiste, lié à des politiques sociales réactionnaires.

«En dépit de tous les drapeaux rouges, les ‘patriotes’ staliniens sont fortement liés à la racaille monarchiste et fasciste et agissent en tant que laquais de l’aile corporatiste de la bourgeoisie naissante. Ils sont hostiles à toute mobilisation indépendante des travailleurs, s’opposent à toute grève, de celle des contrôleurs aériens l’an dernier à celle plus récente des mineurs ukrainiens. Ce mélange cru de chauvinisme russe, d’antisémitisme virulent et de racisme contre les minorités du Caucase et ailleurs les ont fait détester par presque tous sauf les éléments les plus arriérés et lumpens de la classe ouvrière». [notre traduction]

Tout ceci est vrai. Mais un mois plus tard, Workers Vanguard (le 5 novembre 1993) a publié une «rectification» qui admettait qu’il était «nécessaire de faire appel à la classe ouvrière de résister activement» à Eltsine et qui a caractérisé sa position initiale comme étant «abstentionniste». Avec le bénéfice d’arrière-pensée, la direction spartaciste a conclu que «la possibilité d’un bloc militaire avec les forces de Rutskoi et Khasbulatov» avait été posée car ces forces étaient «vues par Eltsine et ses parrains impérialistes en ce temps comme un obstacle à la consolidation d’un régime contre-révolutionnaire fort».

Pourquoi les travailleurs conscients de leurs intérêts de classe devaient-ils faire front avec les «laquais (racistes) d’une aile corporatiste de la bourgeoisie naissante» lors d’une «tracasserie entre deux fractions cyniques et corrompues»? Si le Parlement était un obstacle à la consolidation du pouvoir entre les mains d’Eltsine, Eltsine n’était pas moins un obstacle à la consolidation du pouvoir entre les mains de cette coalition «rouge brune», infestée de fascistes qui la soutenaient. En cette lutte entre deux bandes contre-révolutionnaires, aucun côté ne méritait un appui.

La direction spartaciste s’est trompée sur toute une série de développements majeurs dans l’ancien bloc soviétique—allant de saluer la politique étrangère de Brejhnev en Afghanistan, à rendre éloge à Yuri Andropov, à son adaptation aux dirigeants staliniens est-allemands sous couvert de poursuivre la révolution politique. En août 1991, lorsque la bureaucratie stalinienne décrépite et les forces de la restauration capitaliste dirigées par Eltsine, Rutskoi et Khasbulatov se sont affrontées, la Spartacist League a adopté une position «abstentionniste». II n’y a pas eu, jusqu’à maintenant, de «rectification» à cette position. En novembre 1993, cependant, un mois après le fait, la direction spartaciste a décidé qu’elle aurait dû choisir un camp lors du conflit d’octobre 1993 entre les forces contre-révolutionnaires. Ceci ne fait aucun sens.